Prenons Macron au mot : exigeons le respect des urnes !

Le 10 juillet 2024, le forcené de l’Elysée, refusant de reconnaître la victoire du Nouveau Front Populaire, arrivé en tête des élections législatives anticipées, envoyait une “lettre aux Français” complètement hors-sol, affirmant que “personne ne l’a emporté”, qu’ “aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante” et que “les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires”. En réalité, le Nouveau Front Populaire, déjouant les sondages et les sombres calculs du président, est bien arrivé en tête, obtenant le plus grand nombre de député·e·s à l’assemblée nationale, et permettant par un désistement républicain antifasciste (pas toujours réciproque) à la coalition macroniste de finir à la deuxième place devant la coalition fasciste. Rappelons que lorsqu’il y a des triangulaires ou quadrangulaires aux élections législatives dans des circonscriptions, c’est le ou la candidat·e arrivé·e en tête, même sans majorité absolue, même avec une seule voix d’avance, qui est élu·e. A l’issue des élections législatives, il y a 4 blocs : le Nouveau Front Populaire est incontestablement en tête, suivi loin derrière par la coalition macroniste présentée sous l’étiquette frauduleuse “Ensemble“, du bloc fasciste composé du Rassemblement National et de la fraction de LR ralliée au RN (avec Eric Ciotti), et enfin par un plus petit bloc formé du reste de la droite LR et des divers droite (non ralliés au RN ou à Macron). Entre 2022 et 2024, il y avait déjà cette quadri-partition (avec une hiérarchie différente, le bloc macroniste étant devant le bloc de gauche NUPES suivi du bloc fasciste et du bloc de droite LR), et le bloc macroniste n’avait pas de majorité absolue. Cela ne l’avait pas empêché de former un gouvernement. Ce qui change depuis le 7 juillet 2024, c’est que c’est désormais le Nouveau Front Populaire qui est en tête, et c’est donc à lui que devrait être confiée la tâche de former un gouvernement.

Après sa défaite aux élections législatives, le premier ministre Attal a présenté sa démission. Macron aurait dû l’accepter et le charger d’expédier “les affaires courantes comme le veut la tradition républicaine”. Au lieu de quoi il a décidé de laisser le gouvernement actuel continuer à exercer pleinement ses responsabilités pour une durée indéterminée, ce qui constitue un coup de force institutionnel.

Cela étant posé, prenons Macron aux mots. Il affirme que “seules les forces républicaines représentent une majorité absolue”. Littéralement, c’est peut-être exact. Vérifions qui ne fait pas partie des “forces républicaines” et qui en fait partie. C’est assez simple, en vérité : le RN, parti fondé par un ancien Waffen SS et des pétainistes et présentant toujours des candidat·e·s violent·e·s, racistes, antisémites, n’en fait évidemment pas partie. Ses alliés, transfuges zemmouristes ou ciottistes non plus. Et si l’on suit la logique de Macron qui vante “le Front républicain” qui a empêché le RN de gagner, les personnalités de droite, LR ou macronistes, qui ont refusé de faire front contre le RN n’en font pas partie non plus. Edouard Philippe, par exemple, en appelant ses sympathisants et les électeurs à ne pas choisir entre des candidats LFI et des candidats RN, a concrètement permis l’élection de député·e·s fascistes. On sait aujourd’hui que Philippe a dîné avec l’héritière Le Pen et Bardella, ceci explique peut-être cela. Selon la députée LFI-NFP Sarah Legrain sur X (ex-Twitter), cette rencontre est même à mettre en lien avec des désistements du RN en faveur de candidats Horizon, le parti de Philippe.

Qui reste-t-il donc dans “les forces républicaines” ? Eh bien les député·e·s de toutes les organisations du Nouveau Front Populaire, à coup sûr (Mélenchon le premier, sans aucune ambiguïté, a appelé tous·tes les candidat·e·s du NFP arrivé·e·s en 3ème position face à un candidat d’extrême-droite à se retirer, y compris en faveur de personnalités aussi problématiques que Borne ou Darmanin). On peut y ajouter les quelques figures de la droite macroniste, du centre ou de la droite traditionnelle qui ont appelé clairement à faire barrage au RN, sans échappatoire, sans exclure LFI, principale composante du NFP, du prétendu “arc républicain” (exclusion qui, répétons-le, aboutissait forcément à l’élection de député·e·s fascistes). Le total de celleux qui ont réellement fait barrage au fascisme fait-il, comme le prétend Macron, une majorité absolue ? Pas sûr. Mais une majorité relative n’a pas empêché le bloc macroniste de gouverner de 2022 à 2024. Disons qu’à tout le moins, l’addition du NFP et du bloc macroniste, sur le papier — et si le bloc obéit aux consignes de Macron (ce qui reste à prouver) — forme bien une majorité absolue qui peut faire barrage à toute proposition de loi raciste, liberticide, antisociale, émanant de l’extrême-droite (si l’on oublie que le même bloc macroniste, derrière le ministre Darmanin, a voté la loi raciste sur l’immigration dont le RN avait rêvé et que celui-ci a d’ailleurs votée aussi).

Si l’on prend néanmoins au pied de la lettre “les quelques grands principes pour le pays” autour desquels le rassemblement que Macron semble appeler de ses voeux devra se construire, on voit que le Nouveau Front Populaire coche toutes les cases : il se reconnaît bien dans “les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française”, il constitue bien “une majorité solide, nécessairement plurielle” (le pluralisme du NFP, de Poutou à Hollande, n’est pas à démontrer, et Faure, le premier secrétaire du PS, en refusant de donner suite aux appels à une grande coalition avec la droite et en restant fidèle à l’alliance avec LFI, démontre la solidité de ce rassemblement), le programme du NFP comporte bien des “valeurs républicaines claires et partagées” (on ne peut pas en dire autant du bloc macroniste et de la droite dont certains membres ont rechigné à faire barrage au fascisme, voire se sont compromis avec lui), et il s’agit bien d’ “un projet pragmatique et lisible” (approuvé par des économistes mondialement reconnus), et prenant “en compte les préoccupations” exprimées par les Français (l’annulation de la retraite à 64 ans est une mesure plébiscitée dans toutes les enquêtes d’opinion, de même que le retour de l’ISF).
Les dirigeants des partis du NFP placent bien “leur pays au-dessus de leur parti, la Nation au-dessus de leur ambition”, la preuve en est que Mélenchon qui avait fait campagne avec la NUPES en 2022 pour s’imposer comme premier ministre, a déclaré cette fois être disponible mais ne pas vouloir s’imposer. Avec l’accord du NFP, la FI a renoncé à une centaine de circonscriptions, quand le PS, lui, a renoncé à s’imposer à la première place à gauche que semblait lui avoir conféré son résultat aux élections européennes.

Bref, si Macron applique ce qu’il prône lui-même, il faudra, sitôt que le NFP lui proposera un·e premier·ère ministre, qu’il le ou la nomme à Matignon, et qu’il demande instamment à son mouvement (du moins à l’aile républicaine qui a réellement fait barrage au fascisme) de ne pas censurer le gouvernement de Front Populaire, de le laisser prendre des mesures d’urgence par décrets dès l’été, et de voter avec les députés NFP les mesures plébiscitées par les Français.

Merci d’avance.

Cela dit, comme il est plus probable que Macron cherche par tous les moyens à constituer une alliance avec LR, il sera plus prudent de ne rien attendre de Macron et de répondre à l’appel de la CGT Cheminots et de Sophie Binet elle-même, en manifestant en masse le 18 juillet pour contraindre le forcené de l’Elysée à respecter le verdict des urnes qui a placé la gauche en tête le 7 juillet. Demandons dans le même temps à nos députés de censurer le gouvernement illégitimement maintenu, faisons pression sur les macronistes “républicains” pour qu’ils refusent toute alliance avec ceux qui ont fait élire des fascistes par leur refus de faire barrage au RN, et formons des comités locaux du NFP pour pousser nos revendications voire les dépasser, comme en 1936, en soutenant toute action de grève générale qui pourrait être initiée par nos syndicats.

A la fin, c’est nous qu’on va gagner.

Auteur/autrice : Serge Victor

Militant de gauche, écosocialiste, féministe, autogestionnaire

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