Non au racisme anti-suédois !
Non à la police du vêtement !
On s’habille comme on veut !
Auteur/autrice : Serge Victor
I am Kenough
“To be honest, when I found out the patriarchy wasn’t about horses, I lost interest anyway.”
[traduction : “Pour être honnête, quand j’ai découvert que la notion de patriarcat n’avait rien à voir avec les chevaux, j’ai décroché.”]
Ken, in Barbie, Greta Gerwig, 2023
https://www.tiktok.com/@targaryensl/video/7259574233762778374
Emeutes
“Permettez-moi de dire, comme je l’ai toujours dit, et comme je continuerai à le dire, que les émeutes sont socialement destructrices et qu’elles vont à l’encontre du but recherché. Mais en dernière analyse, une émeute est le langage de ceux qui ne sont pas entendus.
Et qu’est-ce que l’Amérique n’a pas entendu ? Elle n’a pas entendu que le sort des noirs pauvres s’est aggravé au cours des dernières années. Elle n’a pas entendu que les promesses de liberté et de justice n’ont pas été tenues. Et elle n’a pas entendu que de larges pans de la société blanche sont plus préoccupés par la tranquillité et le statu quo que par la justice, l’égalité et l’humanité.
Ainsi, dans un sens réel, les étés d’émeutes de notre pays sont causés par les hivers d’atermoiements de notre pays. Et tant que l’Amérique repoussera à plus tard la justice, nous nous retrouverons dans une situation où ces violences et ces émeutes se reproduiront encore et encore.
La justice et le progrès social sont les garants absolus de la prévention des émeutes. Je suis sûr que vous avez entendu cette idée.
C’est presque l’idée qu’il y a quelque chose dans le flux même du temps qui va miraculeusement guérir tous les maux. Et j’ai entendu cela à maintes reprises. Il y a ceux, et ce sont souvent des gens sincères, qui disent aux Noirs et à leurs alliés de la communauté blanche que nous devrions ralentir et simplement être gentils et patients et continuer à prier, et que dans 100 ou 200 ans le problème se résoudra de lui-même, parce que seul le temps peut résoudre le problème.
Je pense qu’il y a une réponse à ce mythe. Et c’est que le temps est neutre. Il peut être utilisé de manière constructive ou destructrice. Je suis absolument convaincu que les forces de la malveillance dans notre nation, les extrémistes de droite ont souvent utilisé le temps de manière beaucoup plus efficace que les forces de la bienveillance.
Il se pourrait bien que nous devions nous repentir, dans cette génération, non seulement des paroles au vitriol des mauvaises personnes et des actions violentes des mauvaises personnes, mais aussi du silence et de l’indifférence effroyables des bonnes personnes qui croisent les bras et disent : “Attendez le bon moment.”
Quelque part, nous devons nous rendre compte que le progrès social n’est jamais lié à l’inévitable. Il est le fruit des efforts inlassables et du travail persévérant de personnes dévouées. Et sans ce travail acharné, le temps lui-même devient un allié des forces primitives de la stagnation sociale. Nous devons donc aider le temps et nous devons nous rendre compte que c’est toujours le bon moment pour bien faire.”
Martin Luther King, Stanford, 1967.
Mère Nature
“L’homme ne peut point procéder autrement que la nature elle-même, c’est-à-dire il ne fait que changer la forme des matières. Bien plus, dans cette oeuvre de simple transformation, il est encore constamment soutenu par des forces naturelles. Le travail n’est donc pas l’unique source des valeurs d’usage qu’il produit, de la richesse matérielle. Il en est le père, et la terre la mère (…).”
Karl Marx, Le Capital, première section, “La marchandise” I, II, 1867
Bureaucratie
“Désormais, nous vivons dans une société où davantage de gens sont payés pour réguler des marchés que pour produire des services et des ressources au sein de ces marchés. Contre toute attente, le capitalisme bourgeois s’est mis à produire quelque chose que l’on a toujours décrit comme réservé aux régimes communistes : la bureaucratie.
Dans son ouvrage portant sur ce phénomène [Bureaucratie, Les Liens Qui Libèrent, 2015], l’anthropologue David Graeber part du constat qu’aucune population dans l’histoire du monde n’a consacré autant de temps à la paperasse. Cette inflation de paperasse, n’importe qui aurait tendance à en attribuer la responsabilité (ou culpabilité) aux fonctionnaires, à l’administration, bref à l’Etat. Ce serait se tromper d’ennemi. Pour Graeber, cette bureaucratisation de nos vies est liée aux dernières mutations du capitalisme car les réformes, prises au nom de la flexibilité, de l’efficacité, de la rationalité, produisent en réalité ce qu’il nomme la “loi d’airain du libéralisme” :
“Toute réforme de marché — toute initiative gouvernementale conçue pour réduire les pesanteurs administratives et promouvoir les forces du marché — aura pour effet ultime d’accroître le nombre total de réglementations, le volume total de paperasse et l’effectif total des agents de l’Etat.”
L’efficacité, la réduction des coûts et la baisse des prix ne sont donc jamais au rendez-vous. Et contrairement à ce que les idéologues bourgeois ne cessent de répéter — sans la moindre preuve —, un monopole public coûte moins cher qu’un marché concurrentiel.”
Nicolas Framont, Parasites, Les Liens Qui Libèrent, 2023
Sous-bourgeoisie
“C’est la classe intermédiaire qui fait marcher le monde dans un ordre conforme aux intérêts bourgeois et surtout qui décrit celui-ci selon des valeurs et une grille de lecture qui les préservent. Une classe aussi consciente d’elle-même, aussi habitée par la lutte des classes (celle des grandes fortunes), a besoin pour régner d’une sous-classe qui n’ait pas conscience d’elle-même et qui pense que la lutte des classes n’existe pas.”
Nicolas Framont, Parasites, Les Liens Qui Libèrent, 2023
Luxe, Communisme et Volupté (1)
Un grand pouvoir des retraites implique la retraite du pouvoir
“La retraite est une réalité inédite dans sa signification de fond. Nous savons tous que la pension relève du droit du travail : elle n’est ni un patrimoine relevant du droit de propriété, ni une allocation relevant du droit de l’aide sociale. Or, aucune autre ressource liée au travail de la personne n’est à ce point dénouée de ses activités ici et maintenant productives. Quoi qu’il fasse, le retraité est payé, sa pension ne peut pas être supprimée ou réduite en fonction de ce qu’il fait. Et ce lien de la pension à la personne autorise une liberté dans le choix des activités et dans l’utilisation du temps que les retraités n’avaient pas connue avant leur retraite, une situation nouvelle en majorité vécue positivement. Les pensions sont un attribut de la personne, indépendamment de son activité présente. Aucune puissance économique ou politique ne peut réduire ou supprimer la pension, ni imposer aux retraités d’effectuer des tâches qu’ils ou elles ne veulent pas faire. C’est une expérience formidable d’autonomie populaire par rapport au patronat et à l’Etat capitalistes.
Pour une classe dirigeante qui tire tout son pouvoir de son pouvoir sur le travail, qui a le monopole de la décision sur la production et qui l’impose aux travailleurs, que ceux-ci soient indépendants ou dans l’emploi, sans qu’ils puissent décider rien de fondamental sur le travail, la question absolument vitale est la suivante : les retraités sont-ils des travailleurs titutlaires d’un salaire et en capacité de décider du travail qu’ils font, ou sont-ils d’anciens travailleurs retrouvant dans leur pension le différé de leurs cotisations et libérés du travail ? La réponse, non moins vitale, de la bourgeoisie capitaliste est évidemment que les retraités sont d’anciens travailleurs. Le drame est que c’est aussi la réponse de leurs opposants.
Bernard Friot, Prenons le pouvoir sur nos retraites, La dispute, 2023
Féministes réformistes
“Si les féministes réformistes n’ont pas formulé cette invitation [“invitation collective claire” aux hommes à “rejoindre le mouvement féministe pour se libérer du patriarcat”], c’est parce que ce sont elles qui, en tant que groupe social (surtout des femmes blanches bénéficiant d’un privilège de classe) ont lancé l’idée que les hommes seraient tout-puissants. Pour ces femmes, la libération féministe consistait davantage à leur permettre d’obtenir leur part du gâteau à la table du pouvoir qu’à libérer massivement les femmes et les hommes moins puissants de l’oppression sexiste. Elles n’en voulaient pas aux puissants, c’est-à-dire leurs papas et leurs maris, d’exploiter et d’opprimer des hommes pauvres ; elles étaient furieuses de ne pas bénéficier d’un accès égal au pouvoir. Aujourd’hui, beaucoup de ces femmes ont obtenu gain de cause, et surtout la parité économique avec les hommes de leur classe. Par conséquent, elles ont presque perdu tout intérêt pour le féminisme.”
bell hooks, La volonté de changer
(les hommes, la masculinité et l’amour), 2004
Gogos
Pas franc tireur
Au détour d’une controverse sur Twitter à propos du Média et de Frustration dont il réclamait stupidement et méchamment l’arrêt, un type se faisant appeler “Gaston Crémieux” (je préfère nettement l’original), auteur pour le torchon de droite Franc-Tireur (où sévissent grâce à l’argent du milliardaire Kretinsky des phares de la pensée comme la plagiaire Caroline Fourest, le troll crypto-lepéniste Raphaël Enthoven ou Christophe Barbier, l’écharpe de plateaux télé), m’a mis sous le nez un thread de son crû censé prouver l’antisémitisme de Mélenchon et de la FI. D’abord amusé par l’obsession du bonhomme pour “l’autocritique”, puis affligé par la somme d’accusations pourries qui, selon la loi de Brandolini, prendrait plus de temps à être réfutées qu’à être énoncées, je me suis finalement pris au jeu. Pour le fun. Alors que par ailleurs y a plein de trucs qui m’énervent chez JLM, hein.
C’est parti pour un examen point par point des “arguments” de “Gaston Crémieux”.
« 1/L’exemple vient de haut avec la dérive de @jlmelenchon lui-même: en 2014, il dénonçait déjà à l’occasion d’une intervention israélienne à Gaza les “communautés agressives qui font la leçon au reste du Pays” (à 36’46) visant ici la communauté juive. »
Les institutions se proclamant représentantes de la communauté juive en France sont depuis plusieurs années des soutiens et des relais inconditionnels du colonialisme israélien, et même de la droite extrême israélienne. Mélenchon est en droit de critiquer ce fait, bien analysé par exemple dans cet article de Jean Stern.
Il n’y a rien d’antisémite là-dedans.
Continuer la lecture de « Pas franc tireur »Le mouvement anti-pass, antichambre de l’extrême-droite libertarienne ?
Amélie Jeammet : “Et comment lisez-vous le récent mouvement “anti-pass sanitaire” ? Vous semble-t-il identique à celui des Gilets jaunes au sens où il serait l’expression d’une partie des classes populaires et moyennes délaissées par le bloc bourgeois ?” (…)
Stefano Palombarini : “En Italie, c’est comme en Allemagne, c’est un mouvement libertarien de refus des contraintes administratives, c’est très marqué à l’extrême-droite. (…) Il y a une sorte de méfiance généralisée envers l’Etat. La composante extrême-droite existe aussi en France, elle est importante, mais cette méfiance est très présente dans les classes populaires et sans doute produite par les événements précédents, pas seulement sous Macron, mais déjà à l’époque de Hollande et Sarkozy. Elle est justifiée mais un peu inquiétante, parce que je n’ai pas l’impression qu’elle soit spécialement dirigée vers le gouvernement présent. C’est plus général : l’Etat réprime nos libertés, l’Etat nous ment, l’Etat contre les citoyens d’une certaine façon. Je ne pense pas que le mouvement anti-pass, en lui-même, ait une énorme importance, mais si on doit l’interpréter comme un signal, ce n’est pas sûr que ce soit un signal favorable à une perspective de gauche au sens où Mélenchon la présente par exemple, et dans laquelle l’Etat aurait un rôle très important à jouer. Si c’est vraiment de la défiance vis-à-vis de l’Etat, ça pose un tas de problèmes, en particulier pour une politique volontariste, protectionniste, avec la planification qui jouerait un rôle, etc. Tout cela demande quand-même d’y croire. Cette méfiance a des racines véritables, en particulier chez les classes populaires : elle risque d’être un obstacle pour une perspective de gauche.”
Bruno Amable & Stefano Palombarini, Où va le bloc bourgeois ?,
La dispute, 2022
Non, Conspiracy Watch, ce n’est pas la fin du Média !
Le 28 juillet dernier paraissait sur le site Conspiracy Watch un article signé Elie Guckert intitulé “Clap de fin pour le Média ? “
Etant sociétaire du Média et engagé activement au sein de cette coopérative de presse je n’avais pas apprécié le contenu de l’article. J’y avais relevé quelques erreurs factuelles, comme le fait que Denis Robert y est présenté comme ayant été “remplacé à la rédaction en chef par Théophile Kouamouo”. C’est un peu anecdotique, mais en réalité, Théophile Kouamouo était déjà rédacteur en chef au Média quand Denis Robert y travaillait, lequel Denis Robert n’était pas rédacteur en chef mais directeur de la rédaction. C’est un détail qui a malgré tout son importance, car un lecteur non averti pourrait, en lisant l’article de Guckert, s’imaginer que Théophile Kouamouo aurait voulu prendre la place de Denis Robert alors que la rédaction a juste souhaité remplacer le poste de directeur de la rédaction par un comité éditorial. En tout cas, la remarque n’a pas dû plaire à Guckert car il m’a aussitôt bloqué sur Twitter (j’ai appris par la suite qu’il avait également bloqué d’autres socios et des salarié.e.s du Média), se privant ainsi de la possibilité de pouvoir recevoir des rectifications au contenu de son article.
M’étant fait récemment à nouveau exhiber cet article sur les réseaux antisociaux, je me décide aujourd’hui à en faire une analyse critique. Mieux vaut tard que jamais.
Continuer la lecture de « Non, Conspiracy Watch, ce n’est pas la fin du Média ! »Universalisme bourgeois
“Pour Marx, l’histoire est un processus de lutte, de lutte des classes, de lutte des êtres humains pour se libérer de l’exploitation. Si l’histoire n’est autre que l’histoire des conflits, des divisions et des luttes, il devient alors impossible d’analyser le processus historique du point de vue d’un sujet universel et unique. Pour le féminisme, cette perspective est très importante. Du point de vue féministe, il est fondamental de souligner que cette société se perpétue en générant des divisions, des divisions fondées sur le genre, sur la race, sur l’âge. Une vision universalisante de la société, du changement social, depuis un sujet unique, finit par reproduire la vision des classes dominantes.”
Silvia Federici, Le capitalisme patriarcal, La Fabrique éditions, 2019
Le droit au repos
“C’est le droit au repos qui est rogné. Au nom du travail, de la “valeur travail”, de “l’amour du travail”, il faudrait travailler sans cesse, sans répit. (…)
La dignité du travail, c’est aussi, c’est surtout le repos. Et c’est leur bataille, aujourd’hui, à nos dirigeants, au nom de la “valeur travail”, de l’attaquer par tous les bouts. C’est le dimanche qui, depuis Sarkozy et Macron, n’est plus chômé dans les supermarchés. C’est les heures sup à multiplier pour se maintenir la tête hors de l’eau. C’est la retraite, qu’ils reculent toujours. C’est, rebelote, une conquête que l’Europe suggérait, sur le congé parental, et que la France, par la voix de son président, a minée, vidée.
La bataille entre le Capital et le Travail, dans notre histoire, c’est sur les salaires qu’elle se joue, bien sûr. Mais c’est surtout sur le temps. Le congé maternité. Le samedi à l’anglaise. La semaine de 40 heures. Les congés payés. La retraite à 60 ans. Tout cela, c’est du temps libéré par les ouvriers. C’est le repos qui, jusqu’alors, appartenait à l’aristocratie, à la bourgeoisie, qui est entré dans la démocratie, pour tous, pour le peuple : le droit au repos.”
François Ruffin, Je vous écris du front de la Somme,
Les Liens Qui Libèrent, 2022
Le communiqué d’Adrien Quatennens qu’on aurait aimé lire
“Suite à la révélation par le Canard enchaîné d’une main courante déposée par mon épouse, je suis obligé de m’expliquer au sujet de violences conjugales que j’ai commises et qui sont en totale contradiction avec l’engagement féministe que j’affiche.
Oui, j’ai bien donné une gifle à ma compagne il y a plusieurs mois et je n’ai pas eu le courage à l’époque d’en parler publiquement ni d’en tirer les conséquences.
Oui, plus récemment, lorsqu’elle m’a fait part de son intention de divorcer, je lui ai pris le poignet et j’ai essayé de lui prendre de force son téléphone, à la suite de quoi elle est allée déposer une main courante. Certes, elle a émis le souhait qu’il n’y ait pas de suites judiciaires et a fait cette démarche pour poser un jalon dans le cadre d’un divorce conflictuel, mais je mesure à présent que cela ne change rien au problème de fond.
Je ne vais pas m’abriter derrière les circonstances de la dispute ni derrière mon dépit d’être quitté. Je comprends bien d’ailleurs que le fait de lui avoir un jour donné une gifle est en soi pour mon épouse une excellente raison de me quitter, quand bien-même je dois respecter son choix quelles que soient les raisons et quoi que j’en pense.
Je ne vais pas non plus dire : “je ne suis pas violent”, “ce geste, ce n’est pas moi, c’était exceptionnel”. J’ai cru ne pas être violent parce que j’étais capable de ne pas coller de baffe à mes contradicteurs sur les plateaux télé, parce que je n’ai violé personne ni obligé personne à m’accorder ses faveurs en profitant de mon pouvoir d’élu, mais ne pas avoir été capable de retenir ma main contre ma compagne lors d’une dispute fait bien de moi un homme violent, reproduisant dans son foyer les schémas désormais bien connus de la masculinité toxique.
J’en prends conscience aujourd’hui et je m’engage à employer toutes mes forces à faire un travail sur moi-même, avec l’aide de professionnels, pour déconstruire les causes profondes de ce passage à l’acte et veiller à ce que plus jamais une femme n’ait à souffrir de ma violence. Je demande bien évidemment pardon à ma victime qui n’est en rien responsable des conséquences de cette affaire sur ma vie politique ni des éventuelles suites judiciaires.
Je comprends aussi qu’il me devient difficile d’être député et porte-parole d’un mouvement féministe sans avoir prouvé à toutes et tous ma prise de conscience et ma réelle volonté de changer, faute de quoi ce mouvement perdrait beaucoup en crédibilité. Inutile de chercher à faire diversion en glosant sur les fuites policières et la malveillance des médias et des réseaux sociaux. C’est à nous, militant.e.s de l’émancipation, de ne pas offrir de prise au régime injuste et patriarcal que nous combattons. Il n’a aucune raison de nous faire de cadeau. Nous ne lui en ferons pas non plus et je n’attendrai pas une décision de la justice bourgeoise pour faire ce qui est nécessaire.”
Malheureusement, c’est un autre communiqué que le camarade Quatennens a publié, et il n’est pas satisfaisant. Il n’est peut-être pas trop tard pour faire mieux ?
Impuissance masculine
“Voilà la plus grande méprise au sujet des hommes : parce qu’ils s’occupent de l’argent, parce qu’ils peuvent embaucher quelqu’un et le licencier ensuite, parce qu’eux seuls remplissent des assemblées et sont élus au Congrès, tout le monde croit qu’ils ont du pouvoir. Or, les embauches et les licenciements, les achats de terres et les contrats de coupe, le processus complexe pour faire adopter un amendement constitutionnel – tout ça n’est qu’un écran de fumée. Ce n’est qu’un voile pour masquer la véritable impuissance des hommes dans l’existence. Ils contrôlent les lois, mais à bien y réfléchir, ils sont incapables de se contrôler eux-mêmes. Ils ont échoué à faire une analyse pertinente de leur propre esprit, et ce faisant, ils sont à la merci de leurs passions versatiles ; les hommes, bien plus que les femmes, sont mus par de mesquines jalousies et le désir de mesquines revanches. Parce qu’ils se complaisent dans leur pouvoir immense mais superficiel, les hommes n’ont jamais tenté de se connaître, contrairement aux femmes qui, du fait de l’adversité et de l’asservissement apparent, ont été forcées de comprendre le fonctionnement de leur cerveau et de leurs émotions.”
Michael McDowell, Blackwater I : La crue, 1983,
éd. Monsieur Toussaint Louverture, 2022.
Guerre froide 2.0
“Depuis le début de la crise [ukrainienne], Américains et russes font de l’Europe le terrain de leur affrontement.
Dans la guerre froide historique opposant l’URSS et le “bloc occidental”, l’Europe se trouvait au coeur du choc, alors que les “conflits périphériques” se multipliaient en Asie ou en Afrique. Mais aujourd’hui (…), c’est bien l’Asie qui se retrouve au centre du jeu, tant au niveau économique que d’un point de vue géopolitique. Ce basculement a amené nombre d’experts à rester aveugles aux menaces croissantes qui visent le Vieux Continent. “Le vrai rival des Etats-Unis, c’est la Chine. C’est la nouvelle guerre froide. Là-dedans, Europe et Russie sont désormais des pions”, me confie un acteur de la défense en France. L’Europe est devenue, sans qu’elle s’en rende compte, la périphérie du monde.
Depuis le début de la crise, les Américains rappellent ainsi qu’ils ne souhaitent pas entrer directement dans un conflit en Ukraine. Leur préoccupation première reste la Chine, et ils veulent éviter d’avoir à s’impliquer dans ce qui pourrait devenir une guerre avec la Russie. Cela ne les empêche pas de souffler sur les braises. L’ancien patron de la CIA, Leon Panetta, a ainsi expliqué à l’agence de presse Bloomberg que les Etats-Unis étaient en fait engagés dans une guerre par proxy (procuration) contre la Russie en Ukraine, via les livraisons d’armes et l’action des services de renseignement.”
Marc Endeweld, Guerres cachées,
Les dessous du conflit russo ukrainien, Seuil, 2022
Entre Macron et Poutine, Chevènement tenait la chandelle
“Le président français avait (…) tenu à faire du “dialogue avec la Russie” l’une de ses priorités diplomatiques au moment de son accession au pouvoir en 2017. Deux mois à peine après son élection, il avait fait tousser de nombreux diplomates du Quai d’Orsay en recevant Vladimir Poutine en grande pompe à Versailles. On se souvient aussi bien sûr de la visite du maître du Kremlin au fort de Brégançon en août 2019, à quelques jours du G7 de Biarritz.
Cet été-là, Emmanuel Macron va jusqu’à dénoncer l’existence d’un “Etat profond” au Quai d’Orsay lors de la traditionnelle conférence des ambassadeurs, devant un parterre de diplomates médusés. Il est clair à ses yeux que l’administration diplomatique l’entrave dans sa démarche de dialogue avec Poutine. Le président exhorte alors ses diplomates à “repenser […] notre relation avec la Russie” et à renforcer le dialogue avec celle-ci, car “pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique, parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres puissances comme la Chine, ce qui ne serait pas du tout notre intérêt”. Déjà, dans son livre Révolution, publié lors de la campagne présidentielle, il annonçait son intention de “travailler avec les Russes pour stabiliser leur relation avec l’Ukraine et permettre que soient levées progressivement les sanctions de part et d’autre”. Pour développer ce “dialogue”, le président français mise dès son arrivée à l’Elysée sur la constitution d’une relation personnelle avec son homologue russe. Il recourt à la même méthode avec Donald Trump, sans grand succès.
On doit en fait l’utilisation de cette formule de l’“Etat profond” visant le Quai d’Orsay — et surtout certains de ses diplomates considérés comme proaméricains et atlantistes — à Jean-Pierre Chevènement, proche conseiller du soir d’Emmanuel Macron et partisan d’un rapprochement avec la Russie. L’ancien ministre de Françaois Mitterrand et Lionel Jospin n’est pas le seul à avoir eu l’oreille du président sur ce dossier. l’ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine a aussi joué un rôle. Mais, en début de quinquennat, c’est Chevènement qui est envoyé à plusieurs reprises par le président faire passer des messages à Vladimir Poutine.
Cette excuse de l’“Etat profond” est pourtant un peu facile. La posture hostile du président français peine à masquer ses erreurs stratégiques, lui qui a multiplié les positions contradictoires sur le dossier, usant d’un “en même temps” diplomatique aux maigres effets.”
Marc Endeweld, Guerres cachées,
Les dessous du conflit russo-ukrainien, Seuil, 2022
Covid et capitalisme
“L’épidémie de Covid n’a évidemment pas été fabriquée pour réduire encore davantage les libertés publiques tout en favorisant l’emprise des Gafam, elle a été une opportunité de le faire. Dire que l’épidémie est fonctionnelle et nécessaire au capitalisme serait évidemment une erreur (…).”
Bernard Friot, in
Bernard Friot & Frédéric Lordon, En travail,
Conversations sur le communisme, La dispute, 2021, p. 167