Bourgeois

“J’appelle donc bourgeois de chez nous un Français qui ne doit pas ses ressources au travail de ses mains ; dont les revenus, quelle qu’en soit l’origine, comme la très variable ampleur, lui permettent une aisance de moyens et lui procurent une sécurité, dans ce niveau, très supérieure aux hasardeuses possibilités du salaire ouvrier ; dont l’instruction, tantôt reçue dès l’enfance, si la famille est d’établissement ancien, tantôt acquise au cours d’une ascension sociale exceptionnelle, dépasse par sa richesse, sa tonalité ou ses prétentions, la norme de culture tout à fait commune ; qui enfin se sent ou se croit appartenir à une classe vouée à tenir dans la nation un rôle directeur et par mille détails, du costume, de la langue, de la bienséance, marque, plus ou moins instinctivement, son attachement à cette originalité du groupe et à ce prestige collectif.”

Marc Bloch, L’étrange défaite, 1940.

Mouvement

“Le rôle, le travail et le quotidien d’Hitler depuis sa sortie de prison ne se limitent cependant pas à enjôler des cadres de toutes les organisations de l’extrême-droite allemande. Il est bien entouré et conseillé, et songe à l’organisation concrète d’un mouvement d’extrême-droite puissant, qui permette de capter à son profit toute l’énergie revancharde de ceux qui estiment que l’Allemagne est une victime de la guerre et de la paix, et pour qui la démocratie parlementaire et libérale de la République de Weimar constitue un régime foncièrement antiallemand, devant être balayé pour que le pays reprenne la maîtrise de son destin. Pour cela, il faut un parti et un mouvement qui impliquerait une contre-société prête à se substituer à l’organisation sociale existante le moment venu. Continuer la lecture de « Mouvement »

Information

“C’est par des informations étendues et exactes que nous voudrions donner à toutes les intelligences libres le moyen de comprendre et de juger elles-mêmes les événements du monde. La grande cause socialiste et prolétarienne n’a besoin ni du mensonge, ni du demi-mensonge, ni des informations tendancieuses, ni des nouvelles forcées ou tronquées, ni des procédés obliques ou calomnieux. Elle n’a besoin ni qu’on diminue et rabaisse les adversaires, ni qu’on mutile les faits. Il n’y a que les classes en décadence qui ont peur de toute la vérité :: et je voudrais que la démocratie socialiste, unie à nous de cœur et de pensée, fût fière bientôt de constater avec nous que tous les partis et toutes les classes sont obligés de reconnaître la loyauté de nos comptes rendus, la sûreté de nos renseignements, l’exactitude contrôlée de nos correspondances.”

Jean Jaurès, premier éditorial de L’Humanité, 1904

Pub

“L’irruption d’Internet a changé les équilibres financiers de la presse, c’est une évidence. Elle a mis celle-ci face au défi du gratuit, rebattu les cartes avec les publicitaires, créé de nouveaux kiosques mondiaux de l’information, comme les monstres américains Facebook et Google, dont la mainmise étrangle tout le monde. Mais elle n’a aucunement créé ex-nihilo ces problèmes financiers.  Continuer la lecture de « Pub »

En même temps

Nommé chef du gouvernement, [Manuel Valls] était (…) devenu l’un des plus stupéfiants praticiens de ce qu’Orwell avait jadis appelé la “double pensée” .  Assurer deux choses totalement contradictoires, et croire en même temps aux deux, avec la même conviction. Asséner avec force une idée, tout en appliquant exactement l’idée contraire, sans remarquer le moins du monde le problème. Affirmer, par exemple, la nécessité de suspendre certains droits démocratiques, et en même temps que le gouvernement est le gardien de la démocratie. Ce genre de torsions mentales semblait tout à fait spontané à Manuel Valls, qui s’était longtemps pris pour un Tony Blair français, avant de s’épanouir en héritier de Guy Mollet. Ainsi pouvait-il redouter la mort de la gauche, tout en réclamant la même années dans les colonnes de “l’Obsolète” que la gauche explosât enfin afin d’opérer une clarification. Ainsi pouvait-il piétiner le vote des parlementaires à grand renfort d’arbitraire, tout en affirmant que sa mission était de consolider la démocratie. Ainsi pouvait-il s’attaquer avec une brutalité sans équivalent au Code protecteur du travail, à seule fin affichée de donner plus de pouvoir aux travailleurs. Ses raisonnements étaient à la fois totalement tordus et absolument sincères. Continuer la lecture de « En même temps »

Dominants

“Les dominants peuvent se plaindre d’un gouvernement de gauche, ils peuvent se plaindre d’un gouvernement de droite, mais un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. La politique ne change pas leur vie, ou si peu. Ça aussi c’est étrange, c’est eux qui font la politique alors que la politique n’a presque aucun effet sur leur vie. Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou mourir.”

Edouard Louis, Qui a tué mon père ?, Seuil, 2018.

Esprit de victoire ?

« Esprit de victoire » ?
N’en déplaise au néo-supporter (de très très fraiche date) Mélenchon, qui traite de « pisse-vinaigres » ceux qui  — comme lui-même il n’y a pas si longtemps !— trouvent que le foot-spectacle est « l’opium du peuple », qui ne sont “pas très footeux“, et que ça a “toujours choqué de voir des RMIstes applaudir des millionaires”, on peut — sans la mépriser aucunement ! — voir dans la liesse populaire suscitée par la victoire de l’équipe de France de football autre chose qu’un « esprit de victoire » : un exutoire.
Il y aurait tant à dire sur les besoins de défoulement d’une jeunesse confinée dans une vie de merde sans horizon et à qui il ne reste que le foot (et encore : une victoire tous les 20 ans !) pour se sentir (enfin, et très provisoirement) membre d’un collectif, pour vibrer en s’identifiant à de jeunes athlètes issus des mêmes quartiers qu’elle (avec tout ce que cela induit de projection et de fantasmes de “réussite” pour ceux à qui elle reste, pour la plus grande masse, structurellement interdite). Que d’énergies couvent dans cette cocotte-minute d’hormones adolescentes, de chaleur estivale, de désœuvrement, d’ennui, de violence sociale et de flicage raciste (à l’occasion de la finale de la coupe du monde, la RATP et la préfecture avaient tout bonnement interdit aux banlieusards d’Ile-de-France de se joindre à la fête !). Dès lors, il n’est guère étonnant que la casse et la violence aient ponctué la liesse, sous le regard voyeuriste des médias du Capital (et la fRance raciste obligée de faire profil bas le temps de la victoire d’une équipe nationale pas assez “européenne”, c’est-à-dire “blanche”, à son goût, y trouvera bien sûr de nouveaux prétextes à vomir sa haine des bronzés). Continuer la lecture de « Esprit de victoire ? »

Multitude

Chantal Mouffe : “Cette stratégie d’exode est très à la mode dans plusieurs groupes d’activistes. Elle paraît très radicale, mais en réalité on peut la voir comme la forme postmoderne du marxisme traditionnel. Si on y regarde bien, ce que défendent Hardt et Negri est une version plus sophistiquée du déterminisme de la Seconde internationale, mais qui utilise à présent un vocabulaire influencé par Deleuze et Guattari. Ils disent “multitude” au lieu de “prolétariat”, mais c’est une sorte de déterminisme économique. Au centre de leur réflexion on trouve cette thèse : les transformations du capitalisme liées à la transition, au post-fordisme, font que nous vivons une époque entièrement nouvelle. Avec le capitalisme “cognitif”, le rôle central joué précédemment dans la production de plus-value par la masse ouvrière en usines est, maintenant, rempli par la force de travail immatériel, de type intellectuel et de communication. C’est pourquoi, pour se référer à la figure du travailleur collectif immatériel, ils utilisent un nouveau terme, celui de “multitude”. Cette multitude affronte l’Empire, qui désigne le capitalisme globalisé et déterritorialisé, sans centre territorial ni frontières fixes. Hardt et Negri affirment qu’avec le développement de ce capitalisme cognitif, le rôle des capitalistes est devenu parasitaire et qu’avec la montée du pouvoir de la multitude, ils finiront par disparaître.  Cette vision optimiste explique pourquoi, selon cette perspective, il n’est pas nécessaire d’essayer de transformer les institutions existantes puisqu’elles sont destinées à disparaître. Ainsi, la stratégie d’exode qu’ils proposent est une stratégie de “désertion”, d’abandon des noyaux traditionnels de pouvoir pour établir, en dehors d’eux, des lieux où la multitude va s’auto-organiser et jouir de l’exercice de ce qui est “en commun”. Ils disent que la démocratie de la multitude s’exprime en un ensemble de minorités actives qui n’aspirent jamais à se transformer en majorité et au contraire développent un pouvoir qui refuse de devenir un gouvernement. La façon d’être de celles-ci consiste à “agir par concertation”, elles refusent de se convertir en Etat. Hardt affirme qu’il y a trois approches du concept de multitude : au niveau économique, multitude s’oppose à classe ouvrière, au niveau philosophique à peuple, et au niveau politique à parti. Il faut dire qu’ils ont récemment modéré un peu ces manières de penser. Ils disent par exemple qu’ils ne sont pas contre l’Etat, mais je ne vois pas bien en quoi leurs déclarations les plus récentes peuvent être compatibles avec l’orientation générale qui est la leur. Continuer la lecture de « Multitude »

Ecrans

“Une récente étude de l’Einstein Medical Cneter de Philadelphie, portant sur 350 enfants de 6 mois à 4 ans, vivant dans un centre urbain à bas revenus, a analysé l’usage des appareils connectés chez les plus jeunes Américains. La moitié des enfants de 4 ans ont leur propre télévision dans leur chambre, les trois quarts possèdent leur propre objet multimédia ; 70% des parents mettent un obet connecté dans les mains de leur enfant lorsqu’ils ont des tâches ménagères ; tablettes et smartphones sont également la réponse de 65% des parents pour “calmer les enfants” ; enfin 29% des parents donnent un objet multimédia à leur enfant au moment du coucher… En sommes-nous là — ou serons-nous là bientôt, puisqu’il faut forcément “rattraper” notre retard digital ? Le numérique servant de doudou, de nounou, de jeu de société, d’attention parentale ? Continuer la lecture de « Ecrans »

Dominique Vidal patauge à nouveau dans l’anti-mélenchonisme primaire

Il y a plus d’un an, je m’étais déjà frotté à la mauvaise foi de Dominique Vidal sur le réseau antisocial Facebook. Mais voici que cet éminent journaliste récidive. Ayant publiquement comparé Mélenchon au néo-fasciste italien Salvini, à partir d’une phrase qu’il a lue de travers, et comme je lui expliquais le contre-sens qu’il avait commis, il m’a “bloqué” sur Facebook (procédé dont il use et abuse pour faire disparaître les contradicteurs qui le poussent dans ses retranchements). Manque de bol : ce blog me permet de lui donner néanmoins publiquement la réplique sans qu’il puisse me censurer.

Il est paradoxal qu’il me faille à nouveau défendre Mélenchon contre les calomnies de Vidal. Car en réalité, même si j’ai milité activement pour JLM lors de sa campagne de 2017, je suis actuellement en désaccord profond avec lui au sujet de l’organisation “gazeuse” de la France Insoumise (par exemple, je ne vois pas comment on peut défendre de façon crédible devant les citoyens un projet de 6e République démocratique avec un mouvement au fonctionnement aussi peu démocratique). Mais ce désaccord, qui n’est pas mince et me fait d’ores et déjà me sentir plus à l’aise dans des collectifs type “Fête à Macron” que dans la France Insoumise, ne saurait me pousser à rejeter JLM dans des limbes crypto-fascistes ni à lui attribuer des positions qui ne sont pas les siennes. Or, c’est exactement ce que fait, contre toute vraisemblance, Dominique Vidal.

Voici donc ce que Vidal a posté sur Facebook :
Dans la citation que fait Vidal d’un billet de blog de Mélenchon datant du 29 mai 2018, JLM évoque une “situation” : la crise au sommet de l’Etat italien lorsque, sur pression de l’Allemagne et des marchés, le président de la République italienne Sergio Matarella a refusé le candidat anti-euro proposé pour le poste de ministre de l’économie par la coalition formée par le M5S et la Lega (formations populistes et xénophobes), et que le premier ministre pressenti, Giuseppe Conte, a dans un premier temps jeté l’éponge, refusant de se plier au diktat du président Matarella, qui a du coup nommé à la tête du gouvernement Carlo Cotarelli, le très austéritaire “Monsieur Ciseaux” de l’ancien gouvernement Letta. A cette date, JLM ne sait donc pas encore que deux jours plus tard, le 31 mai, un accord sera finalement trouvé entre le président Matarella, le M5S et la Lega, pour un nouveau gouvernement Conte, écartant du même coup l’hypothèse (sinon inévitable) d’élections anticipées qui avaient toutes les chances de voir le M5S et la Lega renforcer encore davantage leur score (c’est en tout cas bien la crainte exprimée par JLM : “Mais en cas de retour aux urnes, tous les observateurs concluent que ce sera un raz-de-marée pour les deux partis rebaptisés “antisystème”. C’est-à-dire une situation pire que celle que déplorent “la plupart des observateurs européens” cités par Le Figaro“). Continuer la lecture de « Dominique Vidal patauge à nouveau dans l’anti-mélenchonisme primaire »

Radicalité

“Passé le cap des 16 ans, Zoubeir est dans une quête d’absolu spirituel à laquelle ne répond pas la société contemporaine. “On nous pousse à consommer, consommer consommer plus. Mais au bout d’un moment, consommer, ça ne donne pas une raison de vivre. Certains ont besoin d’un autre projet. Quand on voit que le seul projet des démocraties occidentales aujourd’hui, c’est d’offrir du pouvoir d’achat aux gens, c’est vide, ça donne pas envie de vivre. Consommer, ça génère de l’ennui aussi, on dirait qu’on est morts. Des robots.” L’adolescent se perd entre ses valeurs familiales et celles d’une France sécularisée en proie au désenchantememnt politique. “Je ressentais un manque, j’avais un vide spirituel à combler et je l’ai comblé avec la religion.” (…) Continuer la lecture de « Radicalité »

Confusions autour d’un voile

En plein mouvement social contre Macron et son monde, le voile islamique porté par Maryam Pougetoux, représentante du syndicat étudiant UNEF à l’université Paris IV, déclenche des réactions peu surprenantes (mais néanmoins sidérantes) à droite (notamment de la part du sinistre Gérard Collomb) et divise, hélas, également à gauche, éclipsant du coup malheureusement les raisons de la mobilisation contre la loi ORE.

J’ai l’impression qu’avec ce genre de cas, on opère une confusion entre plusieurs questions qui ne devraient pas être amalgamées, confusion qui ne sert qu’à hystériser le débat au sein du camp de l’émancipation, pour la plus grande joie des dominants.

La question de la laïcité :

Elle est instrumentalisée par un pouvoir qui se révèle de plus en plus comme un pouvoir réactionnaire de droite extrême. La laïcité n’interdit pas aux citoyens de porter des signes extérieurs de religiosité et ne leur interdit absolument pas le prosélytisme. Il ne manquerait plus que ça ! De même qu’un.e militant.e politique a heureusement le droit de faire du prosélytisme pour son organisation politique, un.e croyant.e a parfaitement le droit de faire du prosélytisme pour sa secte. Et bonne nouvelle : un.e athée a de même tout à fait le droit de faire du prosélytisme et de critiquer prophètes, gris-gris et accoutrements religieux. J’ai donc moi-même le droit de dire qu’il n’y a pas plus d’Allah que de père Noël ou de beurre en broche, et de blasphémer contre les divinités, les prophètes et les totems que les marchands d’illusion s’obstinent à vouloir nous vendre pour légitimer la domination patriarcale et les obsessions morbides de peine-à-jouir barbus ou calottés. La controverse religieuse, comme philosophique ou politique, relève du champ de la liberté d’expression, limité seulement par les nécessités du service public, de la neutralité de l’Etat et du maintien de l’ordre public. Collomb n’a pas à dénier à cette jeune fille le droit de faire éventuellement du prosélytisme pour sa religion ni de simplement l’afficher. Opposer le port du voile à la “culture française” est également parfaitement débile et relève du propos de beauf raciste de fin de banquet. Thérèse de Lisieux, Soeur Sourire, etc. ce n’est pas ma tasse de thé, mais il faudrait vraiment être à la masse pour les exclure de la culture française pour cause de torchon sur la tête. Collomb fait juste du Le Pen. Honte à lui. Continuer la lecture de « Confusions autour d’un voile »

Xénophobie

“Sortir le travail du carcan capitaliste est la condition d’une souveraineté populaire sur la production sans laquelle il est impossible de construire pour chacun un projet de vie. En termes d’éventail et de cohérence des productions sur un territoire, quelle que soit sa taille, l’aléa d’une économie livrée aux calculs de rentabilité d’un capital désormais mondialisé est total : des pans entiers de l’activité disparaissent dans la rage impuissante des concernés sans qu’ils aient eu leur mot à dire. Seule une minorité des travailleurs y trouve son compte, car elle gagne en visibilité internationale. La majorité vit une précarisation faite de la soumission à un management par la peur, le flicage, le chantage, et aussi l’accès de plus en plus difficile aux services publics, de l’inquiétude des parents sur le devenir de leurs enfants. Si la rage, l’impuissance, l’inquiétude restent sans espoir de changement dans la maîtrise de la production, (…) alors la tentation la tentation xénophobe devient un recours, illusoire. Continuer la lecture de « Xénophobie »

Fin

“Nous vivons une époque en suspens où chacun attend la fin — et celle-ci ne vient pas précisément parce que tout le monde est occupé à l’attendre. La fin ne peut pas venir d’elle-même. Si nous voulons qu’elle advienne, cette fin libératrice, il faut nous organiser dès maintenant comme si elle avait déjà eu lieu.”

Eric Hazan, La dynamique de la révolte,
Sur des insurrections passées et d’autres à venir,
La Fabrique, 2015

Organisation

“La querelle entre logique conspirative et logique du mouvement, entre organisation et spontanéisme, entre verticalité stratégique et horizontalité n’a jamais  cessé. Tout mouvement révolutionnaire est une façon d’habiter la tension entre ces deux nécessités opposées. Pour y parvenir, il faut des complicités anciennes, une analyse commune de la conjoncture, et plus encore le souffle de la vie où l’insurrection mûrit.”

Eric Hazan, La dynamique de la révolte,
Sur des insurrections passées et d’autres à venir,
La Fabrique, 2015

Parti

“Nous ne pouvons pas être à l’extérieur de l’organisation, en dehors du contact avec les masses. Il vaut mieux le pire des partis ouvriers que pas du tout.”

Rosa Luxembourg,
citée dans Pierre Broué, La révolution allemande, éd. de Minuit, 1971, p.22

NB : Rosa Luxembourg plaide alors en 1917 pour que les Spartakistes restent dans l’USPD, parti social-démocrate indépendant formé par les exclus anti-guerre du SPD ; un an plus tard, les spartakistes n’en quitteront pas moins l’USPD pour former le KPD, parti communiste d’Allemagne.

Don’t you know it’s gonna be alright ?

La casse du 1er mai 2018 est critiquable parce que contre-productive dans ce contexte précis où il n’y avait aucune position tenable à conquérir de la part du mouvement social contre la flicaille (autrement mieux équipée qu’en mai 68, il y a 50 ans) et où l’urgence était plutôt d’élargir ce mouvement encore bien faible en mobilisant la fraction du peuple qui reste passive alors même qu’elle souffre de la casse sociale opérée par Macron. Au stade où nous en sommes de la lutte, opposer une autre casse à cette casse-là ne peut que servir de repoussoir et affaiblir le mouvement.

Cela ne veut pas dire pour autant que toute “casse” est à exclure par principe. La capacité de riposte des zadistes de Notre-Dame-des-Landes contre la violence d’Etat a ainsi eu le mérite de permettre de tenir une position pendant des années. On peut d’ailleurs déplorer que les 1200 “black blocs” (dont les actes et le nombre ont tant fait gloser les médias le 1er mai) n’aient pas préféré tenir les forteresses qu’auraient pu constituer les facs de Tolbiac ou de Censier quelques jours plus tôt. Il y avait là sans doute des positions symboliques à conserver par la force du nombre et l’usage d’un certain degré de violence. Au lieu de quoi les affrontements et la casse du 1er mai ont servi de prétexte à faire reculer (et à détourner) le cortège syndical, et n’ont sans doute fait que convaincre les citoyen·ne·s venu·e·s manifester avec enfants ou personnes en état de fragilité qu’il faudrait désormais y réfléchir à deux fois avant de risquer d’aller se faire gazer en famille. Ces citoyen·ne·s feront hélas sans doute défaut lorsqu’il faudra encore faire nombre. C’est donc à mon sens une erreur stratégique que ce déploiement de violence à ce moment-là. Et c’est une violence imposée à un mouvement dont les instances syndicales avaient adopté une autre stratégie ce jour-là (quoi qu’on puisse penser d’elles, elles sont désignées démocratiquement par leurs adhérents). Continuer la lecture de « Don’t you know it’s gonna be alright ? »

Laïcité

“En effet, quand on considère combien les croyances capitalistes sont soutenues par une dogmatique et un rituel religieux, c’est bien d’un nouveau combat laïque qu’il s’agit, si par laïcité on entend pouvoir du peuple, le laios qui ne s’en remet plus à la bourgeoisie pour décider du travail. Le MEDEF étant l’instance symbolique de cette religion omniprésente dans l’Etat, travailler à la séparation de l’Etat et du MEDEF, c’est promouvoir une laïcité dont la gauche peut être sûre qu’elle ne sera pas, elle, récupérée par la droite et l’extrême-droite.”

Bernard Friot, Vaincre Macron, La Dispute, 2017.

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