Les chroniques de Le Banni (de Le Média), épisode 7

Résumé de l'épisode précédent : Bénévhôl, le guerrier de Kohop, a été banni de Lmédiâh par la sinistre triade Khakobb qui cherche à le faire passer, lui et d'autres fidèles de Kohop, pour une poignée de traîtres. 
Il parcourait steppes arides et marécages boueux pour rassembler réprouvés et Sociôhs épars, afin de leur révéler le terrible secret du Fhôreuhm, quand une mystérieuse lumière le guida vers un conclave secret porteur d'espoir. Mais ce n'était qu'un traquenard tendu par la sinistre triade qui jeta contre lui ses maléfices.
Après une lutte acharnée et épuisante, il est tout de même sorti indemne de l'épreuve, plus que jamais décidé à ramener l'esprit de Kohop à Lmédiâh. Il est : LE BANNI. 

Traversée du Mordor

L’embellie évoquée dans l’épisode précédent aura été de courte de durée. Mercredi 31 janvier 2024, en effet, j’ai été invité par le président du Conseil de surveillance du Média pour une discussion avec le Directoire. En deux heures épuisantes de réunion, j’ai eu plus l’impression d’avoir traversé le Mordor que d’avoir suivi l’ordre du jour. En réalité, les trois membres du directoire n’avaient aucune intention de discuter ni d’aboutir à des solutions aux problèmes posés. Ils étaient juste venus faire le procès des Socios Engagé·e·s.

Ordre du jour de la réunion du 31 janvier 2023

Image du Mordor créée par IA sur Pixabay

Alors que j’avais signifié clairement que je n’étais pas mandaté pour représenter les Socios Engagé·e·s mais pour représenter les bénévoles du Média ayant contribué à la rédaction du dernier rapport trimestriel du groupe de soutien coopératif aux bénévoles (et bien sûr pour discuter des propositions concrètes posées dans ce rapport), alors que le président du CS avait fixé un ordre du jour et proposé que la discussion se fasse principalement entre un des membres du directoire et moi, j’ai eu droit à deux heures de violence verbale, d’accusations, d’interruptions, d’autoritarisme, d’assignation au silence, par les trois membres du directoire, parlant parfois en même temps, tournant en boucle sur leurs griefs fabriqués de toutes pièces, et refusant obstinément de revenir à l’ordre du jour. Lorsqu’à la fin de ce pugilat, j’ai fait part de ma tristesse que rien n’ait avancé, un des membres du directoire m’a rétorqué : “Si, tu as été informé”.

Informé de quoi ? Que “la suite se fera sans toi”, dixit le même directeur, et un de ses collègues de préciser : “on a accepté de parler avec les Socios Engagé·e·s uniquement pour leur expliquer pourquoi on n’accepte pas les insultes et les dénigrements. Ces gens jartent et ne reviendront pas.”

Je reviendrai dans un autre épisode sur ces accusations complètement bidon de “dénigrement” (quant aux insultes, il n’y en a jamais eues, bien évidemment) et sur la façon très problématique qu’a ce directoire d’inventer des règles non écrites en fonction de l’humeur et de s’asseoir quand cela l’arrange sur les règles écrites existantes.

Mais pour l’heure, je veux dégager ce qu’il y a tout de même de positif dans cette rencontre. Déjà, elle a eu lieu, alors même qu’un membre au moins du Directoire avait fait savoir en d’autres occasions qu’on n’avait “plus rien à se dire”. Là, il a eu plein de choses à me dire, comme : “tu ne peux pas parler, c’est moi qui parle” (le président du CS avait pourtant préconisé que ce soit un de ses collègues qui parle) ; et on peut même dire que les trois membres du Directoire ont pu, deux heures durant, déverser sans frein des émotions qu’ils avaient visiblement grand besoin d’extérioriser. J’espère que cela les a soulagé·e·s, et même si j’ai eu l’impression d’avoir assisté à une thérapie de groupe, je n’aurai pas le mauvais goût de leur facturer la séance. En mode lacanien, ça aurait pu me rapporter gros, cela dit.

extrait de Gotlib : Rubrique-à-brac tome 1

Plus sérieusement, on va dire que voir ce Directoire en roue libre accepter, même si c’est de mauvaise grâce, de participer à une réunion provoquée par le Conseil de Surveillance est une reconnaissance de l’autorité dudit Conseil. La chose a son importance car, contrairement par exemple à ce qui m’a été dit lors de cette réunion, le Directoire n’a pas le pouvoir de faire en sorte que “la suite” se fasse sans moi. Sociétaire je suis, sociétaire je reste, et seul le Conseil de surveillance a le pouvoir de me retirer cette qualité. Je suis socio depuis 2017 et j’entends bien le rester, et exercer tous mes droits de sociétaire. Le Directoire a le droit, certes, de ne pas renouveler mes conventions de bénévolat, et il a la capacité technique de me bannir du forum et des autres supports de discussion du Média, mais j’ai le droit de contester ces décisions arbitraires infondées et de demander au Conseil de surveillance d’exercer sa mission de contrôle sur le Directoire. En dernier ressort, il faut rappeler aussi que c’est le Conseil de surveillance qui nomme le Directoire, et qui peut le révoquer, ce que l’Assemblée Générale des sociétaires a également le pouvoir de faire. Il y a des statuts, et le Directoire n’a pas le droit de faire n’importe quoi ni d’inventer des règles à sa convenance. Concernant le forum, par exemple, je n’ai jamais enfreint sa charte, et le Directoire n’a donc aucune raison légitime de m’en bannir — encore moins “définitivement” et sans m’avoir informé à ce jour, plus de deux mois après la mise en place technique de ce bannissement, des faits précis qui me seraient reprochés. Le forum est un service dû aux abonné·e·s et sociétaires. En me privant d’accès à ce support, mais en en privant aussi l’ensemble des sociétaires et des abonné·e·s depuis plusieurs mois, sans la moindre excuse fournie, le Directoire nous fait à toutes et tous subir un préjudice. Nous sommes en droit de nous en plaindre tant que nous n’aurons pas obtenu réparation de ce préjudice.

Un autre point positif de cette réunion est qu’un membre du Directoire, après avoir avoué qu’il était venu uniquement pour faire le procès des Socios Engagé·e·s, a reconnu que le contenu du rapport (dont il a refusé de discuter durant ces deux heures alors que son examen était à l’ordre du jour) était intéressant et qu’il en approuvait certaines propositions. Ainsi donc, tout n’est pas perdu : ces propositions sont bien reconnues comme intéressant la coopérative, et je ne renonce donc pas à les défendre et les expliquer. Je suis toujours disponible pour le faire, et j’invite d’autres socios à s’en emparer et à les défendre aussi auprès des instances du Média.

Pour que les choses soient claires, voici ce rapport (qui devrait à mon avis être transmis à tous les sociétaires, et pas seulement aux instances dirigeantes, car il soulève des questions d’intérêt pour toute notre SCIC), sans le détail des noms (car il n’est pas question de mettre en cause des personnes mais un fonctionnement) et avec quelques annotations ultérieures pour en faciliter la compréhension :

Rapport d’activité du groupe de soutien coopératif aux bénévoles

à destination du Directoire du Média et du Conseil de Surveillance

3ème trimestre 2023

Rappel de nos missions et actions en conséquence :

1- informer les sociétaires sur la possibilité de participer de manière concrète au fonctionnement du Média

Le travail sur les vidéos de promotion des bénévoles du Média entrepris avec les Correspondant.e.s Citoyen.ne.s et les Modérateur·ice·s s’est poursuivi pour le Sous-titrage, mais n’a pu être terminé en raison de la démission de [l’un des sous-titreurs].

La vidéo comprenant la présentation des CC et Modérateur·ice·s a été diffusée pour mémoire sur la chaîne YouTube des Socios Engagé.e.s

2- établir et tenir à jour une liste des Socios bénévoles et des compétences qu’ils peuvent mettre à disposition sur la base du volontariat

A notre connaissance,

  • le groupe des CC a connu plusieurs démissions durant l’été, avec le départ de JB et celui de DB (qui n’avait pas encore signé sa convention mais semble, en annonçant sa démission, avoir renoncé à le faire). Les CC encore inscrits dans le salon Discord des CC sont SV, A, YL, SB, TD, CM, ME. La dernière vidéo postée par YL dans le groupe Telegram des CC date du 29 août, et le référent des CC, (…) n’a plus donné signe de vie sur cette boucle depuis le 9 août [NB : constat fait à la date du 1er novembre 2023, date d’envoi du rapport, sans préjuger d’activités ultérieures qui n’auraient pas été portées à notre connaissance]. Lors des mouvements sociaux de septembre et octobre, les CC n’ont pas été sollicité.e.s. Lors des émissions de rentrée, aucune référence n’a été faite aux CC.
  • T a démissionné du groupe des Modérateur·ice·s, au sein duquel il ne reste donc plus que M.
  • C a démissionné du groupe des Sous-Titreurs. MH n’apparaît plus non plus dans leur salon Discord où ne restent que CD et MD. CD semble être le seul sous-titreur encore actif, mais [le référent] ne lui a plus transmis de vidéo à sous-titrer depuis le 3 octobre.
  • Le groupe Diffusion est vide. Malgré l’arrêt des diffusions de flashs sur Dailymotion, les Socios Engagé.e.s s’étaient dits prêts à poursuivre les diffusions sur leur chaine YouTube, mais [le référent] n’a pas donné suite.
  • JL, S et AD ont démissionné du groupe de Soutien coopératif aux bénévoles. Ne reste plus dans ce groupe que SV. Depuis le départ de Thomas Dietrich, ce groupe n’a plus de référent officiel. [Le référent des autres groupes] a dit avoir peut-être une idée mais n’a plus donné suite.

Dans les compétences connues de socios qui pourraient se porter volontaires pour des actions bénévoles, il est à noter que les Socios Engagé.e.s peuvent toujours oeuvrer à la promotion du Média sur les réseaux. Un socio développeur informatique s’est signalé sur le forum pour aider à sa mise à jour. M et SV se sont déclaré.e.s (…) disponibles pour aider à la réflexion sur les partenaires et à la recherche de ceux-ci. Aucune de ces propositions n’a connu de suite, à notre connaissance.

3- soutenir la relance des activités bénévoles existantes en fonction des besoins exprimés par les bénévoles et les membres de l’équipe impliqués, par exemple en réfléchissant à des outils de travail et réfléchir à de nouvelles activités bénévoles issue de demandes des sociétaires.

Comme évoqué ci-dessus, la mise à jour du forum pourrait être une mission donnant lieu à convention de bénévolat pour le socio volontaire. Il y a une demande en ce sens de sociétaires, et l’invisibilisation du forum en septembre puis sa disparition complète en octobre ont suscité de vigoureuses protestations. Ce chantier devrait donc être prioritaire, d’autant que le forum était le seul outil disponible pour des consultations intermédiaires entre les AG et pour assurer la vie démocratique de la SCIC. Dans le même ordre d’idée, le seul membre du groupe de Soutien coopératif encore actif écrivait le 25 octobre dans le salon Discord idoine : « Comme membre du groupe de soutien coopératif, je propose le retour sans délai du lien vers le forum sur le site, afin de pouvoir y poursuivre le travail de mise en réseau qui y avait été commencé » (hélas, cette proposition a été ensuite censurée par l’administrateur du serveur Discord). Pourtant, si ce travail était poursuivi (sur un forum rétabli et mieux mis en valeur), cet annuaire des socios et de leurs compétences qui avait commencédans un fil de discussion permettrait à terme aux socios de se regrouper localement pour assurer la promotion du Média (par exemple dans des cafés des Socios), et aux journalistes de trouver des contacts locaux pour des reportages.

4- réfléchir, en lien avec les différents groupes de Socios bénévoles, à des modes d’organisation pour permettre leur pérennisation.

Notre précédente demande d’ouvrir l’accès aux différents salons Discord des bénévoles aux membres du groupe de Soutien coopératif a été suivie d’effet et aurait pu faciliter la coordination et les aides… Toutefois, la démission de plusieurs bénévoles et la censure exercée par l’administrateur ont rendu cet espace inutilisable. Trois bénévoles parmi les rares encore actifs sont d’ailleurs exclus, interdits de communiquer d’abord pour 24h puis 24h de plus puis une semaine… Iels ont aussi été exclu.e.s des groupes Facebook du Média et l’un d’entre eux a également été exclu de la boucle Telegram du Média [NB : par la suite, nous avons aussi été exclus du groupe des bénévoles par rupture ou non-renouvellement de nos conventions de bénévolat, et plusieurs d’entre nous ont reçu un avis de bannissement du forum].
Pour relancer l’activité des bénévoles à présent au point mort, il conviendrait d’en finir avec cette fuite en avant répressive et de réfléchir à une organisation qui ne surcharge pas l’actuel salarié référent peut-être trop accaparé par d’autres tâches.

5- établir un rapport d’état trimestriel pour rendre compte de l’activité du groupe au Directoire.

Le voici pour le 3ème trimestre 2023.

Ce rapport avait été censuré autoritairement dans le Discord des bénévoles, le référent ne souhaitant visiblement pas que les autres bénévoles en prennent connaissance (peut-être parce que sa responsabilité dans la déliquescence des bénévoles, démissionnant les uns après les autres, cessant toute activité ou se faisant “jarter”, pouvait être questionnée ?). Sous sa casquette de membre du directoire, il n’a donc pas davantage voulu discuter de son contenu mercredi dernier. Quand ça veut pas…
Pourtant, certaines propositions répondent à des voeux qu’il a lui-même exprimés, comme celui de ne plus être référent de tous les groupes. Là encore, contrairement à ce que prétend le Directoire, le propos n’est pas de dénigrer une personne mais de pointer des dysfonctionnements et de proposer des solutions (à débattre ouvertement et dans la transparence) pour améliorer les choses au bénéfice de toutes et tous.

Lors de la réunion, j’ai essayé par exemple, malgré le rouleau compresseur accusatoire du Directoire auquel j’étais confronté, d’aborder les propositions contenues dans ce rapport.

Sur la question de l’organisation des bénévoles et des référents, j’ai ainsi expliqué qu’il était envisageable de décharger l’actuel référent de certaines de ses tâches. Au lieu de se retrouver sur le forum en position de juge et partie, signalant des posts (par exemple pour “dénigrement”, notion très cadrée juridiquement et qui ne peut être employée à tort et à travers), outrepassant l’avis de l’équipe bénévole de modération quand elle n’est pas d’accord avec son signalement, et sanctionnant de son propre chef, comme administrateur, les posts qu’il a signalés lui-même… il serait tout à fait possible d’établir que lorsqu’il est lui-même partie prenante, il se déporte de son rôle d’admin et de référent de l’équipe de modération, et laisse le plus possible l’équipe de modération gérer collégialement le problème et voter à la majorité sur une décision, quitte à demander à un autre admin (par exemple la développeuse informatique) de trancher si l’équipe de modération ne parvient pas à un consensus.

A cela, l’intéressé m’a répondu qu’il n’en était pas question car la développeuse n’avait pas ce genre de tâche dans ses attributions. Pourtant, elle a bien toujours sur le forum le rôle d’admin, et je peux témoigner en tant qu’usager du forum et ancien modérateur bénévole qu’elle a bien par le passé exercé cette fonction. A cela on m’a répondu que sa fiche de poste avait évolué et qu’elle était déjà prise par d’autres tâches. Dans le brouhaha des interruptions et des invectives des trois personnes que j’avais en face de moi, il ne m’a pas été possible de préciser qu’il s’agirait là d’une intervention ponctuelle, uniquement en cas d’absence de consensus dans l’équipe de modération et de déport de l’autre admin se trouvant partie prenante dans le cas à traiter, afin qu’il ne se retrouve pas en situation de conflit d’intérêts (le conflit d’intérêts, c’est un peu comme Voldemort dans Harry Potter : il ne faut pas prononcer son nom, mais j’y reviendrai dans d’autres épisodes).

Mais j’en profite pour signaler un autre problème récurrent au Média : l’absence d’organigramme. Les sociétaires n’ont en effet aucune connaissance de qui fait quoi parmi les salarié·e·s, et les fiches de poste ne sont jamais communiquées. C’est dommage, parce que concernant la développeuse, si on savait précisément quelles tâches l’occupent au point qu’elle ne puisse consacrer occasionnellement un instant à suppléer son collègue admin du forum pour lui éviter d’être juge et partie (ça ne se produit pas tous les quatre matins, normalement), on pourrait voir s’il n’y a pas moyen de la décharger elle aussi, via un appel aux bénévoles (c’est par exemple un bénévole qui avait autrefois aidé la développeuse justement à configurer le forum, et comme c’est mentionné dans le rapport, un socio s’était signalé sur le forum avant qu’il ne soit hors service pour apporter son aide). Mais l’argument est de mauvaise foi, de toutes façons, car lorsqu’elle s’est retrouvée en garde à vue lors d’une manifestation interdite par le pouvoir macroniste, le Média n’a pas hésité pour aider à sa libération (ce que j’applaudis) à revendiquer avoir missionné cette camarade pour couvrir la manif, bien qu’elle ne soit pas journaliste. Cette souplesse dans l’organisation est ici tout à l’honneur du Média. Mais si cette salariée peut être envoyée ponctuellement sur le terrain en renfort de la rédaction, rien ne s’oppose à ce qu’elle dépanne tout aussi ponctuellement un collègue admin du forum, d’autant qu’elle a l’expérience de ce genre de tâche et des responsabilités dans la structure, étant donné qu’elle a été par le passé vice-présidente du Conseil de surveillance et membre du bureau de l’association du Média avant le passage en SCIC.

J’avais eu l’occasion aussi sur le Discord des bénévoles, avant d’en être éjecté, de suggérer que le groupe de soutien coopératif aux bénévoles ait comme référent la présidente du Directoire plutôt que son collègue déjà référent de tous les autres groupes. Lui-même ne semblait pas désireux de s’occuper de ce groupe, dont il disait qu’il n’était référent que par défaut, suite au départ de Thomas Dietrich, le référent d’origine. Ayant moi-même été membre de ce groupe, je peux témoigner que Thomas Dietrich n’est jamais intervenu dans les activités de ce groupe, qu’il a laissé travailler en autonomie. Autrement dit, le rôle de référent de ce groupe ne semblait vraiment pas une charge considérable… à condition de ne pas vouloir passer du temps à le censurer et donc à faire face au mécontentement des victimes de la censure, peut-être, ce qui est bien le fond du problème (j’ai appris récemment que le Discord des bénévoles auquel je n’ai donc plus accès avait été nettoyé des anciennes discussions : j’invite donc les bénévoles du Média qui ne l’auraient pas encore fait à rejoindre le Discord “Sauvons le Média” pour être réellement informés et pouvoir discuter librement sans risque de censure).

Lors de la réunion, alors que je m’inscrivais en faux contre les violentes accusations d’insultes et de dénigrement imputés aux Socios Engagé·e·s, il m’a été opposé qu’il fallait que je me remette en question, parce que plus aucun journaliste ne venait sur le forum de peur d’y subir, donc, ce fameux “dénigrement”. Mais si on avait pu se pencher vraiment sur le rapport du groupe de soutien coopératif aux bénévoles, on aurait pu voir ensemble que depuis l’été 2023, la plupart des bénévoles ont démissionné les uns après les autres ou sont devenus inactifs, les trois bénévoles s’accrochant encore étant quant à eux virés arbitrairement. N’y aurait-il pas là, justement, une remise en question à faire sur l’organisation des bénévoles et sur la nécessité de ne plus laisser le même référent en charge de tout ? Pourquoi tant de bénévoles ne veulent-ils plus oeuvrer dans ces conditions ? Pourquoi tout ce qui avait été construit a-t-il été si vite réduit à néant ? Ne peut-on discuter rationnellement de ce qu’il convient de mettre en place pour arrêter ce désastre ?

Quant à l’absence des journalistes sur le forum, j’ai une autre analyse que celle qui m’a été assenée lors de la réunion, comme quoi “des salarié·e·s” se seraient plaints du comportement des socios du forum (en réalité, un seul nom, celui du rédac chef, a été donné) : déjà, les journalistes qui échangeaient le plus avec les socios sur le forum ont été mis·e·s au placard ou ont quitté le Média (je songe à Eloïse Nguyen-Van Bajou, Marine Manastireanu, Marion Plantier, Rémi-Kenzo Pagès, Filippo Ortona), et si le forum lui-même est devenu moins attrayant pour les socios, c’est aussi parce que ces salarié·e·s ne venaient plus y discuter de leur travail (et non parce que tel pilier du forum aurait osé fâcher tel ou tel militant antivax ou adepte d’une secte New Age ne supportant pas d’être contredit), et parce que le forum, n’étant plus mis à jour, souffrait de nombreux bugs ; enfin, les journalistes arrivé·e·s le plus récemment au Média ne sont jamais venu·e·s se présenter sur le forum ni y discuter de leur travail, non parce que des socios les aurait dénigré·e·s, mais parce que personne au Directoire ne leur a expressément demandé d’utiliser cet espace pour créer du lien avec la communauté, et peut-être aussi parce que certain·e·s d’entre elleux sont pigistes, alternant·e·s ou stagiaires, pas forcément sociétaires de la coopérative, et pas forcément imprégné·e·s de la spécificité de la structure ni destiné·e·s à y rester longtemps.

Voilà qui mériterait un débat de fond sur ce qu’est le Média : est-ce une entreprise de presse comme une autre, où des travailleur·euse·s précaires ne font que passer en débutant dans la carrière ? Ou est-ce un projet militant et citoyen ? Personnellement, j’ai des désaccords avec certain·e·s camarades socios qui veulent faire pencher la balance totalement sur le côté citoyen et accusent le Média de n’être plus une vraie SCIC mais juste une coopérative de journalistes “corporatistes”, mais quand un membre du Directoire me dit que les journalistes n’ont aucune obligation de participer à la vie de la structure ni même à l’entretien de liens avec la communauté, je tique aussi. Et je pense qu’en tout état de cause on devrait pouvoir en débattre tous·tes ensemble et analyser aussi ce qui se fait ailleurs. Par exemple, abonné également à Arrêt sur image, je vois que les journalistes y répondent souvent aux commentaires des abonné·e·s dans la partie forum, ou même désormais sur un serveur Discord. Est-ce sur la base du volontariat, est-ce intégré dans les tâches contractuelles ? Il serait intéressant de poser la question et d’en discuter aussi sur le forum du Média entre sociétaires (mais encore faut-il que ce forum soit rétabli et accessible à tous·tes !).

Toujours concernant l’organisation des bénévoles du Média, j’ai aussi essayé d’aborder la question des Correspondant·e·s Citoyen·ne·s. Là aussi, le directeur référent des CC ne m’a pas laissé développer, m’interrompant tout le temps et interprétant de travers le moindre début de phrase sans me laisser la finir. Comme j’essayais de développer l’idée de laisser davantage les CC s’auto-organiser, notamment avec l’aide du groupe de soutien coopératif aux bénévoles, pour décharger le plus possible le référent, il est aussitôt passé à l’attaque, déclarant qu’il était hors de question de laisser les CC poster eux-mêmes des vidéos sur le site du Média, par exemple. Il se trouve que j’ai toujours été moi-même hostile à cette revendication de quelques CC, du moins tant que le Média ne dispose pas des ressources pour héberger et surtout trier et éditorialiser de telles vidéos. Je n’ai vraiment aucune envie que le Média devienne une sorte d’Agoravox vidéo. Et le référent des CC sait très bien que je me suis toujours opposé à ce genre de revendication. Pour autant, je ne cautionne pas la censure des socios ou CC qui défendent une telle conception de média citoyen, et je préfère contre-argumenter, par exemple sur le forum, plutôt que de traiter en ennemi quiconque ne partage pas mon point de vue. Et en dernier ressort, c’est au directoire d’expliquer patiemment (et sans mépris) les enjeux et les contraintes, et c’est à l’AG de trancher démocratiquement après un vrai débat si des résolutions devaient à être portées par les tenants de la vision la plus citoyenniste du Média.

Mais en étant devenu membre du Directoire, le référent des CC s’expose d’autant plus à essuyer des critiques de la part de CC (frustrés que la rédaction n’utilise pas davantage leur travail, que le Directoire ne mette pas en place une plateforme de dépôts de vidéos, des stages de formation à la prise de vue, ne monte pas et n’habille pas leurs vidéos, etc).

Lorsque j’ai essayé d’aller au bout de mon raisonnement, j’ai immédiatement été interrompu par le directeur-référent m’accusant de lui interdire d’être membre du Directoire, ses deux collègues le rejoignant dans un brouhaha général. En réalité, je ne disais rien de tel. Je voulais juste pointer la difficulté d’être ainsi exposé sous différentes casquettes pour montrer qu’il pouvait être utile, là aussi, de décharger le référent déjà hyper-sollicité d’un certain nombre de tâches. Il n’est pas question, disant cela, de laisser les CC sans référent, ni d’interdire à l’actuel directeur-référent de prendre en charge les CC (même s’il ne cesse de se plaindre lui-même d’être le seul salarié à accepter cette tâche alors que des journalistes seraient mieux à même de chapeauter des gens qui ramènent des images ou contribuent à des reportages). Je n’ai pas pu en placer une à partir de là, mais l’idée est plutôt de faire en sorte que le référent n’ait pas à s’occuper de tout.

A ce titre, je peux témoigner de mon expérience de membre du groupe de soutien coopératif aux bénévoles, qui a pu justement aider à décharger le référent de certaines tâches. Par exemple, pour qu’il y ait harmonisation des vidéos produites par des CC, le référent leur avait demandé de mettre sur leurs vidéos YouTube une vignette de présentation standardisée d’après la charte graphique (de l’époque) du Média. Mais comme les CC ne disposaient pas forcément du logiciel professionnel permettant de réaliser cette vignette d’après le modèle fourni, c’est le référent qui devait consacrer du temps à la leur confectionner lui-même. J’ai donc eu l’idée de composer un modèle exploitable par n’importe qui avec un logiciel libre gratuit (Scribus) et j’ai réalisé un tutoriel ad hoc.

A partir de là, n’importe quel CC pouvait réaliser lui-même sa vignette ou me demander de l’aider sans réquisitionner le référent. C’est un exemple d’auto-organisation. Si j’avais pu continuer sur cette voie, avec le renfort d’autres bénévoles, au lieu d’être traité en ennemi et viré comme une merde sans même un motif, j’aurais pu aider les bénévoles à être autonomes sur d’autres tâches (à ce jour d’ailleurs, je ne sais toujours pas officiellement sous quel prétexte mes deux conventions de bénévolat ont été révoquées : j’ai accompli exactement les missions qui m’avaient été attribuées et aucun reproche ne m’a été fait sur ce plan ; à croire que pour être bénévole au Média et couvrir les luttes sociales ou aider les autres bénévoles à le faire, il faut absolument être d’accord sur tout avec le Directoire et n’émettre aucune critique de son action, ce qui est, on en conviendra, une conception particulièrement bureaucratique et autoritaire de l’organisation des tâches).

À partir de mon expérience de Correspondant Citoyen, je peux aussi témoigner d’une possible amélioration de l’organisation des CC, dans un sens plus efficace et moins accaparant, là aussi, pour le référent. Revenons à l’époque du mouvement de défense des retraites en 2023. Avec les fortes mobilisations nationales (et même jusqu’en Belgique), le Média a vraiment eu besoin de pouvoir recueillir des images de manifs et interviews de manifestants de toute la France pour rendre compte de l’événement. Le référent recueillait les vidéos des CC en direct sur une boucle Telegram pour les repérer, les trier, en publier certaines sur le compte Twitter des CC, et transmettre à la rédaction et aux monteurs du Média ce qui pourrait servir pour les directs ou les “Instantanés”. Lors des grosses manifs parisiennes, j’ai eu le droit de publier des threads sur le compte Twitter des CC, directement depuis les cortèges, ce que le référent n’aurait pas eu le temps de faire. Tout cela fonctionnait pas mal, et je n’ai rien à reprocher au référent sur ce plan. Je trouve vraiment qu’il y a eu une belle coopération à ce moment.

Mais un camarade bénévole, qui n’était pas encore conventionné comme CC, s’est investi lui aussi dans la couverture des manifs parisiennes, et nous nous sommes retrouvés bien souvent à aider les journalistes du Média, filmant pour eux quand leur matériel tombait en rade, les accompagnant sur des opérations sensibles (comme l’incursion des pompiers belges et français à l’Arc de Triomphe)… De fil en aiguille, le camarade a été invité sur une boucle Telegram créée par la rédaction pour couvrir les manifs parisiennes. C’était en effet plus pratique pour se retrouver, envoyer les vidéos, être au courant du type d’interview ou de vidéo que recherchait la rédaction selon son angle éditorial du moment. Le camarade demanda donc que je sois inclus aussi dans cette boucle Telegram. Fin de non recevoir de la part du référent. Comme CC, j’étais tenu de ne poster que sur sa boucle Telegram à lui et je n’avais rien à faire dans la boucle des journalistes. Pour éviter les tensions, il a fallu que j’essaie de convaincre le camarade socio de signer lui aussi une convention de CC et d’accepter de poster ses vidéos dans la boucle du référent plutôt que dans celle des journalistes.

On peut comprendre qu’il faille que les choses soient cadrées juridiquement, avec des conventions de bénévolat qui protègent le Média contre toute accusation de travail dissimulé. Mais il y avait aussi du sens à ce que les CC parisiens soient invités sur une boucle fonctionnelle créée pour la couverture des manifs parisiennes, afin de coopérer plus efficacement entre bénévoles et journalistes. Cela aurait déchargé le référent qui avait de toutes façons fort à faire avec le recueil de vidéos des manifs de province, en plus de ses autres tâches habituelles. Par ailleurs, les habitudes de coopération ainsi prises entre CC et journalistes auraient permis peut-être de convaincre par la suite certain·e·s journalistes de devenir référent·e·s de CC (au moins de quelques uns), voyant que finalement, ce n’était pas une charge si pesante, du moins avec des CC rôdé·e·s ayant pris des habitudes de travail coopératif sur le terrain, et que les socios n’étaient pas si méchants que ce que certains veulent faire croire (car c’est bien le même membre du Directoire qui décrète que personne d’autre que lui ne veut travailler avec les socios et qui, j’en ai plusieurs preuves, répand par tous les moyens l’idée que les socios les plus investi·e·s seraient infréquentables). Il y a peut-être des objections à cela, et je veux bien les entendre si c’est le cas, mais il me semble que cela aurait mérité d’être discuté rationnellement, plutôt que de censurer le rapport sur le Discord des bénévoles, puis de saboter la réunion où ce rapport était à l’ordre du jour en la transformant en tribunal de l’Inquisition.

Pour l’anecdote : jeudi 1er février a eu lieu une grève nationale des personnels de l’Education nationale, avec manifestations en province et à Paris. Bien que virés des CC, des Socios Engagé·e·s sont allés couvrir la manif parisienne. Ils ont diffusé des images et une interview de la députée européenne Manon Aubry. Le Média aurait pu s’en servir. Ou, si le choix éditorial était de privilégier le reste de l’actualité, il aurait pu grâce à nous être au courant qu’il y avait eu une manif de profs plutôt réussie à Paris et au moins en glisser un mot dans le direct du soir. Je respecte l’indépendance éditoriale de la rédaction, mais pas un mot sur un mouvement social d’ampleur nationale dans un secteur aussi important que l’Education, en pleine crise Oudéa-Castéra, je pense que c’est une faute et une entorse au Manifeste du Média.

Interview de Manon Aubry postée sur le compte Instagram des Socios Engagé·e·s

Commentaire d’une téléspectatrice dans le chat YouTube du direct de 18h30 jeudi 1er février 2023

J’en viens pour finir (pour aujourd’hui) à un constat assené par le référent-directeur lors de cette réunion : personne d’autre que lui ne veut être référent (mais il n’a laissé à personne d’autre la possibilité de s’y coller !), et lui ne veut plus être référent de l’équipe de modération du forum ni des CC. Enfin peut-être pas de tous les CC, ce n’est pas très clair, mais assurément pas de ceux qu’il a poussés à la démission ou qu’il a virés. Pour les autres, d’après les retours que j’ai pu en avoir récemment, il ne se passe plus rien ni sur le Discord des bénévoles ni sur la boucle Telegram des CC. Et cela pose un problème de fond pour le Média. Parce que faute de bénévoles vraiment actifs, les instances de la SCIC risquent de ne plus avoir de collège des bénévoles, dont l’existence est pourtant statutaire. Et faute de bénévoles participant à la recherche de partenaires (comme le rapport mentionné ci-dessus le préconise), le collège des partenaires risque lui aussi de rester vide. Le Conseil de surveillance pourra-t-il fonctionner légalement avec deux collèges non représentés ? En outre, sans le forum, et sans des bénévoles pour poursuivre sur celui-ci la tâche de mise en réseau des socios évoquée elle aussi dans le rapport, le Média restera incapable de mobiliser une communauté active pour relayer ses futures campagnes de dons, par exemple. Le comble étant que le directoire a reconnu mercredi avoir invisibilisé le forum par peur que les critiques qui s’y exprimaient ne nuisent à la campagne de dons de l’automne. En réalité, en faisant disparaître le forum, le Directoire a privé le Média d’un outil essentiel pour appuyer cette campagne de dons et lancer des initiatives locales. Avec sa dérive autoritaire et sa logique de forteresse assiégée, ce Directoire est en train de mettre la structure, déjà fragile, en grand danger.

“La suite se fera sans toi”, m’a-t-on promis. Encore faudrait-il qu’il y ait une suite. Et s’il faut vraiment “jarter” quelqu’un, je compte bien démontrer que ce n’est pas moi, même si, dans l’idéal, le mieux serait de ne “jarter” personne. Discutons-en rationnellement et sans intenter de procès stalinien aux lanceurs d’alerte avant qu’il ne soit trop tard et qu’il n’y ait d’autre issue que de “jarter” les vrais responsables de cette situation ou de mettre la clé sous la porte. La fuite en avant autoritaire ne mènera nulle part.

A suivre…

Autres épisodes :

Auteur/autrice : Serge Victor

Militant de gauche, écosocialiste, féministe, autogestionnaire

2 réflexions sur « Les chroniques de Le Banni (de Le Média), épisode 7 »

  1. On serait tenté, après une réunion aussi désastreuse (j’y ai participé et je peux témoigner du niveau de violence verbale et des techniques d’intimidation indignes développées par la direction) de se dire que c’est fichu, que la dérive autoritaire de la direction est sans limites, et si bien cachée qu’elle peut s’exercer impunément. En effet, quoi de plus facile que de prétendre qu’il n’y a pas de contestation quand on la musèle et l’invisibilise? Mais ce serait sans compter sur le fait que trois directeur·ices ne peuvent s’affranchir des règles définies par les statuts du Média. Contrevenir à ces règles, c’est s’exposer à des problèmes de plusieurs ordres. C’est le tour de passe-passe du directoire pour éviter une AG mixte permettant aux socios de déposer des résolutions qui a engendré de la colère; cette colère a été qualifiée de dénigrement et le forum a été invisibilisé en rétribution, mais le problème va bientôt se reposer avec la tenue de la prochaine AG. Si la demande de respect de l’expression démocratique au sein de la coopérative n’est pas présentée par les banni·es, les évincé·es et les “jarté·es” elle sera présentée par d’autres socios, et d’autres après eux. La direction ne se débarrassera pas des problèmes engendrés par ses dysfonctionnements en se débarrassant de celleux qui les dénoncent. Trois personnes ne pourront tenir à elles seules tous les postes, sans accumuler les situations de conflits d’intérêt et l’autoritarisme exacerbé qui en découle.

  2. On nous a expliqué que le cumul des fonctions est une situation normale dans une petite structure, ce que nous comprenons tout à fait mais il y a, pour éviter les situations de conflit d’intérêt que cela engendre, des méthodes autres que le déni. Des propositions ont été faites dans ce sens par les bénévoles. Que le CS, qui doit être composé de 10 membres titulaires et 10 membres suppléant·es issu·es de 4 collèges différents, en soit arrivé à 5 titulaires et 3 suppléant·es au bout de sa première année de mandat, et que certain·es d’entr’elleux n’assistent même pas aux réunions, en dit long sur les possibilités de débat interne. Que dans ces conditions déjà difficiles, le directoire s’offre le luxe de se débarrasser de ses socios les plus investi·es dans le bénévolat par peur des critiques internes, est une étape dangereuse pour le fonctionnement de la structure.

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