Le 1er avril 2017, l’ancien rédacteur du Monde Diplo Dominique Vidal, avec qui j’ai déjà eu quelques désaccords (ici ou là), postait sur Facebook un amusant poisson d’avril :
La France Insoumise, affirme-t-il, aurait donc « fait une croix sur l’alliance avec tout ou partie du PS ». Bonne blague car depuis le 17 mars 2017, date du dépôt des candidatures, la France Insoumise et le PS ont officiellement chacun leur candidat à l’élection présidentielle. Qu’on s’en désole, qu’on s’en félicite ou qu’on s’en fiche, il n’est donc plus question d’alliance pour le premier tour de la présidentielle. Juridiquement, un candidat ne peut pas se retirer. A la rigueur, il serait possible pour un candidat désirant ne plus concourir de ne pas faire imprimer ses bulletins de vote. Il ferait alors un score nul et perdrait toute possibilité de remboursement des frais de campagne. Autant dire qu’il signerait le suicide de sa formation politique.
En réclamant encore une alliance devenue impossible, Dominique Vidal est donc dans le déni. Il fallait vraiment qu’il publie ce texte un 1er avril !
Cette alliance après laquelle Vidal continue de pleurer en vain n’a pas eu lieu. Mais bizarrement, il n’adresse aucun reproche à ce sujet au PS. Sa charge porte uniquement sur la France insoumise accusée de tous les maux, sous prétexte qu’elle n’a pas voulu se rallier sans conditions à Hamon. Pourtant, Jean-Luc Mélenchon avait bien adressé une lettre publique à Hamon qu’il avait présentée ainsi :
« Mon souhait est que Hamon continue à se rapprocher de nos positions et qu’il rompe pour de bon avec le système du PS et du gouvernement. Pour discuter, je demande des garanties. »
Or Hamon n’a daigné répondre à aucune de ces garanties et n’a cessé d’affirmer, même après la trahison de Valls (au profit de Macron), qu’il occupait une position de « centralité » et qu’une alliance ne pouvait se concevoir que derrière lui.
Pourtant, ce n’est pas à Hamon et au PS que Dominique Vidal adresse ses reproches. Depuis quelques semaines, avec force publications sur Facebook ou sur Mediapart, il s’est lancé dans une croisade anti-JLM, affirmant qu’il ne voterait pas pour lui, et se déclarant prêt à voter pour Poutou si l’alliance impossible ne se faisait pas. On notera le paradoxe : il voulait l’alliance pour battre la droite, et maintenant que la dynamique de Mélenchon est saluée par tous et que les observateurs n’excluent plus qu’il passe au moins devant Fillon, Vidal se reporte sur le très minoritaire Poutou.
Que Hamon se « mélenchonise » est une très bonne chose dans le cadre de la bataille culturelle, mais un Mélenchon bis n’est d’aucune utilité électorale dès lors qu’il y a déjà un Mélenchon et que celui-ci fédère de plus en plus.
Vidal veut aussi nous faire pleurer sur ce pauvre Pierre Laurent et sur le PCF. Pourtant, jusqu’ici, c’est bien la stratégie de Mélenchon qui s’est avérée payante, et non les atermoiements et la pusillanimité de la direction du PCF. Si Vidal veut reprendre sa carte au PCF, qu’il le fasse. En attendant, les communistes ont désigné majoritairement Mélenchon comme leur candidat, et une partie d’entre eux milite même au sein de la France Insoumise. Rien ne sert d’hystériser la divergence sur les législatives, qui est un problème sérieux (et pour l’heure non résolu) mais qui n’empêchera pas forcément les alliances de second tour (pendant des années, le PCF et le PS ont été concurrents au premier tour et ont pratiqué la discipline républicaine au second sans que cela soit un drame ; il en est même sorti plusieurs fois des majorités législatives de gauche ; pourquoi cela serait-il impossible avec la France Insoumise ?).
Quant aux écologistes, Vidal passe sous silence le fait que plusieurs élus et figures d’EELV (comme Sergio Coronado ou Patrick Jimena) soutiennent Mélenchon et non Hamon. Il est donc mensonger d’affirmer qu’il n’y aurait « pas de place pour les Verts » dans la France Insoumise.
Evoquer Poutou et Arthaud pour une alliance relève de la dissonance cognitive sévère : ni l’un ni l’autre n’ont envisagé une seule seconde une alliance avec celui qu’ils qualifient au mieux de « réformiste », au pire de « nationaliste ». C’est bien leur droit, et la stratégie révolutionnaire qui est la leur est tout à fait respectable, même si personnellement je ne crois pas en sa possibilité de réalisation, mais à quoi sert de parler d’alliance avec des gens qui n’en veulent pas et qui ne visent surtout pas une victoire dans les urnes ?
Vient enfin la reductio ad Stalinum si chère à Vidal. La France Insoumise serait un « parti unique » qui fait penser à « des précédents peu reluisants ». C’est ignorer totalement le fait que la France Insoumise n’est pas un parti, mais un label qui rassemble des partis (qui conservent totalement leur autonomie d’action) et des citoyens non-encartés. La FI est une forme d’alliance nullement exclusive d’autres formes. Il est évident, d’ailleurs, que les députés FI pourront à l’assemblée nationale faire alliance avec d’autres formations de gauche pour former un groupe parlementaire voire une majorité.
Bon, le 1er avril étant désormais passé, et si on s’occupait sérieusement à nouveau de gagner cette élection présidentielle ?