Erreurs novatrices

« Plus un savoir est diffusé sur un grand nombre de gens, plus grande est la probabilité d’en voir émerger un nouvel usage intellectuel ou pratique. Le grand nombre d’instruits joue-t-il aussi un rôle dans l’apparition des innovations ? Oui. Voici comment. Les innovations dépendent à la fois des savoirs accumulés antérieurs et des déductions à partir d’eux. Mais elles dépendent aussi d’erreurs d’apprentissage, de hasards d’exécution, d’expériences bizarres. La probabilité de voir cela se produire est plus grande dans un groupe plus nombreux. Les observations d’archéologie confirment le lien entre l’évolution de la taille des populations ancestrales et les changements majeurs des techniques utilisées. Plus on est nombreux, plus il y a de chances de faire mieux. Une leçon valable dans de nombreux domaines. »

Jean-Luc Mélenchon, Faites mieux !
Vers la révolution citoyenne
, Robert Laffont, 2023

Pas franc tireur

Au détour d’une controverse sur Twitter à propos du Média et de Frustration dont il réclamait stupidement et méchamment l’arrêt, un type se faisant appeler « Gaston Crémieux » (je préfère nettement l’original), auteur pour le torchon de droite Franc-Tireur (où sévissent grâce à l’argent du milliardaire Kretinsky des phares de la pensée comme la plagiaire Caroline Fourest, le troll crypto-lepéniste Raphaël Enthoven ou Christophe Barbier, l’écharpe de plateaux télé), m’a mis sous le nez un thread de son crû censé prouver l’antisémitisme de Mélenchon et de la FI. D’abord amusé par l’obsession du bonhomme pour « l’autocritique », puis affligé par la somme d’accusations pourries qui, selon la loi de Brandolini, prendrait plus de temps à être réfutées qu’à être énoncées, je me suis finalement pris au jeu. Pour le fun. Alors que par ailleurs y a plein de trucs qui m’énervent chez JLM, hein.

C’est parti pour un examen point par point des « arguments » de « Gaston Crémieux ».

« 1/L’exemple vient de haut avec la dérive de @jlmelenchon lui-même: en 2014, il dénonçait déjà à l’occasion d’une intervention israélienne à Gaza les « communautés agressives qui font la leçon au reste du Pays » (à 36’46) visant ici la communauté juive. »

Les institutions se proclamant représentantes de la communauté juive en France sont depuis plusieurs années des soutiens et des relais inconditionnels du colonialisme israélien, et même de la droite extrême israélienne. Mélenchon est en droit de critiquer ce fait, bien analysé par exemple dans cet article de Jean Stern

Il n’y a rien d’antisémite là-dedans. 

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Vote

« (…) On consent individuellement à l’autorité même si on n’est pas d’accord. Il en est ainsi parce qu’on pense la décision légitime. Et elle est légitime parce qu’elle résulte d’une décision collective, qui est prise par un vote. »

Jean-Luc Mélenchon, De la Vertu, Editions de l’observatoire, 2017, page 8

Esprit de victoire ?

« Esprit de victoire » ?
N’en déplaise au néo-supporter (de très très fraiche date) Mélenchon, qui traite de « pisse-vinaigres » ceux qui  — comme lui-même il n’y a pas si longtemps !— trouvent que le foot-spectacle est « l’opium du peuple », qui ne sont « pas très footeux« , et que ça a « toujours choqué de voir des RMIstes applaudir des millionaires », on peut — sans la mépriser aucunement ! — voir dans la liesse populaire suscitée par la victoire de l’équipe de France de football autre chose qu’un « esprit de victoire » : un exutoire.
Il y aurait tant à dire sur les besoins de défoulement d’une jeunesse confinée dans une vie de merde sans horizon et à qui il ne reste que le foot (et encore : une victoire tous les 20 ans !) pour se sentir (enfin, et très provisoirement) membre d’un collectif, pour vibrer en s’identifiant à de jeunes athlètes issus des mêmes quartiers qu’elle (avec tout ce que cela induit de projection et de fantasmes de « réussite » pour ceux à qui elle reste, pour la plus grande masse, structurellement interdite). Que d’énergies couvent dans cette cocotte-minute d’hormones adolescentes, de chaleur estivale, de désœuvrement, d’ennui, de violence sociale et de flicage raciste (à l’occasion de la finale de la coupe du monde, la RATP et la préfecture avaient tout bonnement interdit aux banlieusards d’Ile-de-France de se joindre à la fête !). Dès lors, il n’est guère étonnant que la casse et la violence aient ponctué la liesse, sous le regard voyeuriste des médias du Capital (et la fRance raciste obligée de faire profil bas le temps de la victoire d’une équipe nationale pas assez « européenne », c’est-à-dire « blanche », à son goût, y trouvera bien sûr de nouveaux prétextes à vomir sa haine des bronzés). Continuer la lecture de « Esprit de victoire ? »

Dominique Vidal patauge à nouveau dans l’anti-mélenchonisme primaire

Il y a plus d’un an, je m’étais déjà frotté à la mauvaise foi de Dominique Vidal sur le réseau antisocial Facebook. Mais voici que cet éminent journaliste récidive. Ayant publiquement comparé Mélenchon au néo-fasciste italien Salvini, à partir d’une phrase qu’il a lue de travers, et comme je lui expliquais le contre-sens qu’il avait commis, il m’a « bloqué » sur Facebook (procédé dont il use et abuse pour faire disparaître les contradicteurs qui le poussent dans ses retranchements). Manque de bol : ce blog me permet de lui donner néanmoins publiquement la réplique sans qu’il puisse me censurer.

Il est paradoxal qu’il me faille à nouveau défendre Mélenchon contre les calomnies de Vidal. Car en réalité, même si j’ai milité activement pour JLM lors de sa campagne de 2017, je suis actuellement en désaccord profond avec lui au sujet de l’organisation « gazeuse » de la France Insoumise (par exemple, je ne vois pas comment on peut défendre de façon crédible devant les citoyens un projet de 6e République démocratique avec un mouvement au fonctionnement aussi peu démocratique). Mais ce désaccord, qui n’est pas mince et me fait d’ores et déjà me sentir plus à l’aise dans des collectifs type « Fête à Macron » que dans la France Insoumise, ne saurait me pousser à rejeter JLM dans des limbes crypto-fascistes ni à lui attribuer des positions qui ne sont pas les siennes. Or, c’est exactement ce que fait, contre toute vraisemblance, Dominique Vidal.

Voici donc ce que Vidal a posté sur Facebook :
Dans la citation que fait Vidal d’un billet de blog de Mélenchon datant du 29 mai 2018, JLM évoque une « situation » : la crise au sommet de l’Etat italien lorsque, sur pression de l’Allemagne et des marchés, le président de la République italienne Sergio Matarella a refusé le candidat anti-euro proposé pour le poste de ministre de l’économie par la coalition formée par le M5S et la Lega (formations populistes et xénophobes), et que le premier ministre pressenti, Giuseppe Conte, a dans un premier temps jeté l’éponge, refusant de se plier au diktat du président Matarella, qui a du coup nommé à la tête du gouvernement Carlo Cotarelli, le très austéritaire « Monsieur Ciseaux » de l’ancien gouvernement Letta. A cette date, JLM ne sait donc pas encore que deux jours plus tard, le 31 mai, un accord sera finalement trouvé entre le président Matarella, le M5S et la Lega, pour un nouveau gouvernement Conte, écartant du même coup l’hypothèse (sinon inévitable) d’élections anticipées qui avaient toutes les chances de voir le M5S et la Lega renforcer encore davantage leur score (c’est en tout cas bien la crainte exprimée par JLM : « Mais en cas de retour aux urnes, tous les observateurs concluent que ce sera un raz-de-marée pour les deux partis rebaptisés “antisystème”. C’est-à-dire une situation pire que celle que déplorent “la plupart des observateurs européens” cités par Le Figaro« ). Continuer la lecture de « Dominique Vidal patauge à nouveau dans l’anti-mélenchonisme primaire »

Lettre ouverte à Dominique Vidal au sujet de Mélenchon, de la Syrie et de quelques calomnies émises à mon sujet

Cher Dominique Vidal,

Je vous ai souvent lu avec intérêt dans les colonnes du Monde Diplomatique, journal qui n’a pas été pour rien dans mon éducation politique. Je vous ai écouté très régulièrement aussi dans l’émission Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet, qui n’a pas peu joué non plus dans ma formation.
J’ai donc d’abord accueilli avec un a priori plus que favorable vos interventions sur un groupe Facebook que je co-administre et sur ma propre page de ce réseau antisocial, dont je n’use qu’à des fins politiques, un de mes champs d’activité bien éloigné de votre spécialité (le Moyen-Orient) étant la lutte contre les stratégies confusionnistes d’extrême-droite. Autant le dire tout de suite, même si je n’ai pas eu l’occasion d’en parler avec vous, ces activités m’ont conduit bien souvent sur divers supports (dont vous ignorez sans doute l’existence) à contrer la propagande poutinienne, le conspirationnisme antisémite pro-chiite et autres biais par lesquels la fachosphère (FN, mais aussi nazis dieudo-soraliens et autres rouges-bruns, etc.) cherche à empoisonner la gauche radicale (dont le campisme anti-américain forme hélas une zone de porosité certaine avec les lubies de l’extrême-droite). Continuer la lecture de « Lettre ouverte à Dominique Vidal au sujet de Mélenchon, de la Syrie et de quelques calomnies émises à mon sujet »

Mélenchon devant Hollande, le storytelling qui vient à point

Dans son éditorial de Challenges du 18 avril 2016, Maurice Szafran (qui déteste pourtant tout ce que représente Mélenchon) est obligé de se pencher sur le résultat d’un sondage TNS-SOFRES qui place le candidat de la « France insoumise » entre 12 et 16% des intentions de vote au 1er tour de la future présidentielle (contre 13 à 15% pour François Hollande) et de se pourlécher de la « story » qu’il va ainsi pouvoir vendre (la qualification de MLP pour le deuxième tour ayant déjà été tellement survendue qu’elle ne tient plus personne en haleine), sous le titre racoleur « Panique à l’Elysée : Mélenchon talonne Hollande ! »

Capture d’écran 2016-04-18 à 18.14.12

« Dans un cas de figure – Le Maire candidat de la droite républicaine- Mélenchon passe en tête – 16 points contre 15! Voilà, précisément, ce qui assomme les proches du président et les principaux dignitaires socialistes, ce qu’ils ne supportent pas : l’apparition d’un phénomène Mélenchon. Un phénomène qui ouvrirait un nouveau gouffre: si cette dynamique prenait du souffle et de l’importance, le leader de la gauche de la gauche pourrait précéder Hollande au premier tour. Un événement politique d’une importance tout à fait considérable. (…)
Ensuite, la primaire de la gauche est désormais enterrée, à jamais. Tous les anti-hollandais de gauche, et ils sont nombreux, vont en effet désormais rallier Mélenchon, lequel va devenir intenable…
(…) Plus sérieusement, si ce sondage se confirme dans les semaines et les mois à venir, alors Mélenchon aura eu raison envers et contre tous, notamment ses alliés communistes: cela fait longtemps qu’il répète être en mesure de devancer Hollande à l’élection présidentielle. Et s’il avait raison… »

« Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons », disait Lénine. Ils vont donc nous vendre du Mélenchon. Fort bien.

A propos du campisme et de l’antifascisme

Cela couvait depuis un moment, mais depuis l’annonce de la « proposition de candidature » de Jean-Luc Mélenchon, et depuis ses propos sur la Russie lors de l’émission « On n’est pas couché« , quelques amis et camarades, particulièrement du côté libertaire ou « antifa », se répandent en imprécation contre le « campisme », le « poutinisme », le « nationalisme », le « chauvinisme », le « confusionnisme », le « stalinisme », voire le « rouge-brunisme » supposés de JLM et du PG.

Je dois avouer que lorsque j’ai regardé l’émission, j’ai moi-même failli m’étrangler en entendant le fondateur de mon parti répondre par exemple : « oui, je pense qu’il va régler le problème » à la question : « Poutine, est-ce que vous êtes pour ce qu’il est en train de faire en ce moment en Syrie ? », ou lorsqu’il a évacué la question des frappes russes en Syrie (destinées à soutenir le boucher Bachar El Assad contre les « rebelles » bien plus qu’à éliminer Daech) en affirmant simplement : « ce n’est pas vrai ».  Il y a là, je pense, une maladresse (ou une erreur), mais aussi un vrai choix politique : celui de dénoncer en priorité les exactions qui relèvent de l’impérialisme « nord-américain », d’en démonter la propagande relayée par les gouvernements européens atlantistes, y compris le gouvernement français qui, avec Sarkozy puis Hollande et Valls, n’a cessé de s’aligner sur Washington, rompant avec la tradition gaullienne de relative indépendance de la diplomatie française, notamment concernant la Russie et le Moyen-Orient.

Ce choix qu’on peut qualifier de « campiste » de Mélenchon n’est pas nouveau. On l’a toujours vu par exemple défendre les aspects positifs des révolutions sud-américaines, mettre l’accent sur la violence des Etats-Unis à leur encontre et refuser a contrario de condamner sur injonction des médiacrates les aspects contestables du régime cubain ou de la présidence d’Hugo Chavez au Vénézuéla. Il s’inscrit d’ailleurs aussi en cela dans une tradition de la gauche qui a eu son heure de gloire durant la guerre froide, notamment au PCF, mais aussi chez nombre de groupes gauchistes qui ont pu vibrer tour à tour pour l’URSS de Staline, la Yougoslavie de Tito, la Chine de Mao, l’Algérie du FLN, le Viet-Nam d’Ho-Chi-Minh, voire le Cambodge de Pol-Pot… du moment que s’y exprimait une forme d’opposition ou de résistance à l’empire capitaliste américain, quitte à passer sous silence voire à nier les crimes imputables à ces régimes. Je prends à dessein les exemples les plus caricaturaux (JLM n’ayant évidemment jamais manifesté de sympathies staliniennes, contrairement à un Georges Marchais auquel il est souvent comparé pour sa faconde) pour souligner que cette posture « campiste » qui peut susciter chez moi de très sérieuses réserves ouvre potentiellement la voie à de très néfastes dérives.

Depuis que l’hyperpuissance américaine honnie, sortie victorieuse de la Guerre Froide, est concurrencée par l’émergence des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), le courant le plus campiste de la gauche radicale (incarné notamment par le site « Le Grand Soir ») franchit parfois dangereusement la frontière qui sépare la simple analyse géostratégique du soutien à tout ce qui peut remettre en cause l’hégémonie américaine, y compris des régimes aussi peu progressistes que la Russie de Poutine ou la Chine ultra-capitaliste. Le campisme expose dès lors au risque de passer à côté de certaines évolutions internes aux Etats-Unis (notamment le fait qu’Obama a pu se montrer parfois bien plus modéré que ses alliés français, par exemple sur le dossier syrien, et qu’une contestation de gauche comme celle incarnée par Bernie Sanders, reste quelque chose d’inenvisageable pour le moment dans des Etats aussi répressifs que la Russie ou la Chine). Il expose aussi à une promiscuité source de grande confusion avec l’extrême-droite conspirationniste anti-américaine grande admiratrice de régimes autoritaires comme celui de Poutine ou celui de Bachar El Assad, prompte à dénoncer la responsabilité américaine dans la naissance de Daech, mais tout aussi prompte à en exonérer Assad.

Personnellement, je trouve que Jean-Luc Mélenchon flirte trop souvent et trop fort avec le campisme, d’autant que pour se « présidentialiser » sans doute, il en rajoute dans la posture gaullienne de « l’indépendantisme français« . Mais lorsqu’on ambitionne de conquérir le pouvoir par les urnes, et de l’exercer effectivement sans attendre une future et hypothétique révolution prolétarienne, on est amené à réfléchir sur les enjeux de puissance de façon peut-être plus appuyée que lorsqu’on milite au NPA ou à Alternative Libertaire, qui ont peu de chance de se retrouver un jour en situation de devoir traiter avec les puissances qui dominent le monde.

Mais revenons-en aux propos de Jean-Luc Mélenchon sur la Russie. Bien qu’ils me semblent effectivement trop complaisants avec Poutine et Assad (accordant au premier une capacité à « régler le problème » et assimilant un peu vite tous les rebelles syriens à Al Qaïda), ils sont néanmoins plus nuancés que ce que la presse a bien voulu en dire.
L’Observatoire de la Propagande et des Inepties Anti-Mélenchon a justement relevé la façon dont les médias ont mis en avant et déformé des propos qui ne représentaient qu’une petite partie d’une longue émission au cours de laquelle de nombeuses autres questions ont été abordées.
Alexis Corbière a également montré sur son blog ce qu’était réellement la position de Mélenchon. Il en ressort qu’au lieu de titrer « Mélenchon soutient Poutine » ou « Mélenchon félicite Poutine » (omettant de préciser qu’il félicitait les Russes uniquement pour avoir réussi à couper la voie de communication qui permettait à Daech la vente de pétrole en contrebande vers la Turquie), les médias auraient aussi pu retenir pour leurs gros titres ces propos : « Je ne suis pas d’accord pour que Poutine règle le problème. Je suis pour que l’ONU règle le problème », « [la propagande russe], c’est aussi de la propagande », « Tout est de la propagande. Je ne suis pas pour les bombardements », etc.

Contrairement au camarade Corbière, je pense qu’il y avait bien un parfum campiste dans les propos de Mélenchon. Je suis en désaccord avec lui (et avec la ligne du PG) sur ce point, et je dois reconnaître que la critique faite par Ariane Perez du « nouvel indépendantisme français » prôné par le PG me semble assez convaincante, mais cela ne fait pas de Mélenchon ni du PG des suppôts de l’extrême-droite en extase devant Poutine et Assad. Rappelons que s’il faut soutenir une cause en Syrie, c’est assurément celle des Kurdes révolutionnaires du Rojava et de leurs alliés. Mélenchon ne dit rien d’autre lorsqu’il affirme dans ONPC : « Je suis pour que Daech soit vaincu, écrabouillé et que les Kurdes gagnent ». Or, à en croire les propos d’un volontaire français dans les YPG kurdes recueilli par l’Organisation Communiste Libertaire (qu’on ne pourra soupçonner de sympathie pour Poutine) :

« En ce qui concerne l’intervention de la Russie en Syrie, il est intéressant de noter qu’elle a été perçue de façon très positive par les combattants que j’ai côtoyés, ce pour plusieurs raisons. D’abord, les frappes russes donnent du fil à retordre aux djihadistes, l’ennemi commun, ce qui est du pain béni pour les YPG. Ensuite, le soutien diplomatique et surtout militaire se limitait pour l’heure à celui des Etat occidentaux, Etats-Unis en tête, ce qui introduisait de fait une relation de subordination des YPG vis-à-vis de ce pays. Aucun contact officiel n’a, à ma connaissance, eu lieu entre la Russie et les YPG, mais la possibilité d’une entente ou d’opérations communes permet de relâcher la bride occidentale sur les YPG qui peuvent désormais, si les exigences des Etats-Unis se faisaient trop rapaces, se tourner vers un autre soutien international potentiel. L’intervention russe offre donc la possibilité aux YPG, comme me l’a résumé un combattant, de jouer sur deux impérialismes, pour le moment antagonistes, ce qui est toujours plus confortable que de dépendre des seuls caprices de la politique étrangère américaine, laquelle pêche rarement par la constance. »

Reconnaître à la Russie un rôle objectivement favorable (pour le moment) aux Kurdes, c’est bien donc ce que font les intéressés eux-mêmes et leurs alliés. On conviendra dès lors que, même en ayant des divergences d’appréciation sur la politique internationale de Poutine, on peut se retrouver largement entre militants de gauche sur un objectif principal : un retour à la paix qui ne se ferait pas au détriment des intérêts de la révolution kurde.
Pourtant, malgré mes réserves personnelles, la dernière sortie de Mélenchon à ONPC m’a valu quelques engueulades à ma gauche : de « maintenant, qu’il aille se faire foutre » à « bon courage avec les chauvins »…
Bigre.

Malgré mes appels à la nuance, un nom m’a été balancé pour justifier la disgrâce irrévocable du PG : Djordje Kuzmanovic. Secrétaire national du PG spécialiste des questions de défense, il serait le responsable (ou le symptôme) de la dérive du PG vers le nationalisme et le confusionnisme. Pour « preuves » deux articles, l’un du site d’Ornella Guyet Confusionnisme.info, l’autre des Morbacks Véners. J’avoue que ces articles que je connaissais déjà m’avaient troublé sur le moment. Puis j’avais eu l’occasion d’échanger quelques fois sur FaceBook avec Djordje, avec lequel je m’étais trouvé en désaccord profond sur bien des points (ce qui peut évidemment arriver même avec un camarade de parti), sans qu’aucun élément n’ait pu me faire douter un seul instant de son engagement internationaliste de gauche. Je n’avais plus pensé à ces deux articles, mais puisqu’ils font désormais office de référence à charge contre le PG, j’ai pris le temps de les examiner un peu plus méthodiquement et je n’ai pas été déçu.

L’article des Morbacks Véners procède de manière malhonnête, compensant par un effet d’accumulation et par des amalgames ridicules la pauvreté factuelle de son argumentation.

  • Il démarre avec une grande photo de Djordje Kuzmanovic en uniforme de l’armée française : Les Morbacks auraient pu choisir plein d’autres photographies, mais visiblement, ils ont voulu insister sur le fait que Djordje a été militaire, ce qui est sans doute infâmant à leurs yeux. Etant moi-même ancien objecteur de conscience, je ne peux pas dire que je porte l’armée dans mon coeur, et j’ai d’ailleurs accueilli très fraîchement la proposition de Djordje de rétablir le service national, lui signifiant que je ne serais pour le service militaire que lorsque les officiers seraient élus par des comités de soldats et révocables à tout moment. Mais s’il pouvait m’arriver lorsque j’étais adolescent de considérer tout militaire comme un ennemi, j’ai tout de même appris depuis à faire la part des choses : je suis toujours opposé à l’autoritarisme et à la hiérarchie militaire, comme à l’emploi fait de la force armée par le pays dans lequel le hasard m’a fait naître, mais je sais que tout militaire n’est pas forcément un fasciste et qu’il peut même se trouver des militaires de gauche. Si si, ça s’est vu au Portugal par exemple, avec la révolution des oeillets.
    En adhérant à un parti qui avait vocation à être un « parti creuset », je me doutais bien que j’y trouverais des militants venus d’autres horizons que les miens, et tout bien considéré, même s’il existait un parti d’objecteurs de conscience antimilitaristes communistes libertaires athées désireux de tenter l’abolition de la propriété lucrative et du travail aliéné par la voie démocratique légale du réformisme écosocialiste autogestionnaire sur fond de punk music, je ne sais pas si j’aurais envie d’y adhérer, tant l’angle me paraîtrait étroit.
  • Les Morbacks continuent ensuite sur la même veine avec une capture d’écran d’une recherche sur la « société Djordje Kuzmanovic » qui donne lieu à des propos ironiques (« nous sommes déjà hilare [sic], imaginer un membre du bureau national du PG faire du “conseil pour les affaires” c’est quand même drôle pour un parti dont le leader parle du “banquier Macron” »). En plus d’être militaire (donc quasi-fasciste ?), Djordje serait chef d’entreprise (donc capitaliste ?). Rien que ça.
    Vu que ça n’a rien à voir avec le reste de la démonstration qui vise à le faire passer pour un rouge-brun, on voit qu’il ne s’agit là que de le discréditer a priori. Sauf que cette « société » ne compte aucun employé et ne présente aucun bilan. Il faudrait peut-être expliquer aux Morbacks que plein de travailleurs parfois très précaires ont dû créer une structure juridique pour pouvoir se faire payer des prestations, sans que cela fasse d’eux des capitalistes pour autant. Il en faudrait donc un peu plus pour accabler Djordje.
  • Vient ensuite une copie d’écran d’Investig’action, le site du journaliste communiste à tendance complotiste Michel Collon, avec un article signé Djordje Kuzmanovic. Les Morbacks nous font alors un long déroulé sur Collon, photo dudit Collon en compagnie de Meyssan (le conspirationniste forcené du réseau Voltaire) et Dieudonné (l’ex-comique antisémite) à l’appui, avec énumération d’autres noms plus compromettants les uns que les autres. Là, on se dit : Oh là là, mais dans quoi il trempe, le Djordje ? C’est donc un antisémite quenellier conspirationniste ? Eh bien non. Le site de Collon, comme tous les sites de pseudo-réinformation, reprend des sources externes sans que cela engage en quoi que ce soit leurs auteurs. Et l’article orginal de Djordje vient juste de son blog mediapart. Il n’a aucun rapport avec Collon (encore moins avec Meyssan ou Dieudonné). Mais les Morbacks concluent : « Un membre du bureau national du PG écrit donc bien des articles sur le site internet d’un type qui organise avec l’extrême droite des conférences de soutien à des dictateurs ».
    Voilà une bonne grosse falsification destinée à salir un militant de gauche ! Car non, Djordje n’a pas écrit cet article sur le site de Collon (l’eût-il fait d’ailleurs que cela n’aurait pas mérité non plus tant d’infamie : publication d’un article dans un média ne vaut pas forcément adhésion à la ligne éditoriale de ce média). Investig’action n’a fait ici que relayer l’article depuis le blog de Djordje.
    En cherchant bien, je suis sûr qu’on peut trouver des articles des Morbacks relayés sur des sites pas très nets, aussi. Si je n’avais que ça à faire, je pourrais même m’amuser à créer un site dégueulasse bardé de quenelles et autres horreurs fascistes et y faire un copier-coller des oeuvres des Morbacks, qu’on rigole.
    Sur le contenu de l’article lui-même, évidemment, on ne saura rien. C’est donc que les Morbacks n’ont pas dû réussir à y trouver le moindre truc compromettant et ont dû se contenter d’un amalgame crapuleux.
  • Pour charger la mule, les Morbacks sont aussi allés explorer le mur Facebook de Djordje et en ont ramené une capture d’écran d’une image relayée par celui-ci sur laquelle on voit d’un côté Obama seul, de l’autre les chefs des BRICS avec le slogan : « construisons un monde multipolaire ». On conviendra que faire passer les Poutine et autres Xi Jinping pour de gentils adeptes d’un monde multipolaire face au méchant Obama, c’est un peu campiste (et simpliste) sur les bords.
    N’empêche que l’idée d’équilibrer l’unilatéralisme de l’impérialisme américain par la diplomatie internationale n’est pas dénuée de fondement et que cette image illustre un fait objectif : ces nouvelles puissances coopèrent déjà pour remettre en cause les institutions internationales issues des accords de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale) et dominées par les Etats-Unis. On peut le constater, et même s’en réjouir sans être un affreux rouge-brun.
  • Autre capture d’écran sur Facebook : un lien vers RIA Novosti avec félicitations adressées par Djordje à Asselineau (le chef de l’UPR, groupuscule d’ultra-droite obsédé par l’UE et la CIA). Cette fois, l’affaire est dans le sac : Djordje relaie un média de propagande poutinienne et félicite un nationaliste !
    Sauf qu’il est tout de même permis de relativiser. Djordje fait visiblement partie de ces Français russophones qui ont des attaches avec l’Europe de l’est. Il suit donc les médias russes et est peut-être plus sensible que la moyenne à ce qui concerne la Russie. De là à en faire un inconditionnel du régime de Poutine, il y a tout de même un pas.
    Le lien pointé par les Morbacks illustre les premiers bombardements exercés par l’armée ukrainienne contre des villes russophones du Donbass en 2014. Dans ce conflit, Djordje a de toute évidence un a priori favorable vis-à-vis des Russes et semble se méfier plus de la propagande en faveur du gouvernement ukrainien issu du mouvement Euromaïdan et de ses soutiens de l’OTAN ou de l’UE que de la propagande en faveur des séparatistes russophones et de Poutine. Il a donc dû être content que dans un paysage politico-médiatique français plutôt favorable aux occidentaux, un politicien comme Asselineau réagisse à l’opération lancée par l’armée ukrainienne dans le Donbass. Un peu comme j’ai été content en 2003 que cette canaille de Villepin s’oppose à la guerre en Irak. Ça ne fait pas de moi pour autant un villepiniste, je pense. Idem pour Djordje qui ne montre aucune marque d’allégeance aux idées politiques d’Asselineau ni à celles des ultra-nationalistes russes. On peut noter aussi que dans les commentaires qui suivent le lien, Djordje se moque plutôt des interventions ridicules d’un militant de l’UPR venu faire l’éloge de son gourou.
  • Autre capture d’écran à partir de Facebook : un lien vers une photo de David Icke. Grosse rigolade des Morbacks sur ledit Icke, qui a l’air effectivement complètement timbré. Mais avec un autre découpage, ils auraient pu nous montrer tout de même ce que contenait cette photo, et là, on aurait compris pourquoi Djordje avait noté que cela lui inspirait « un songe » (celui de voir les chefs d’Etat arrêtés par leurs propres forces de l’ordre). On aurait même pu se dire qu’il était tombé par hasard là-dessus sans rien savoir de l’auteur, qu’il avait trouvé l’image amusante et qu’il avait fait la connerie que font beaucoup de gens : poster sans vérifier la source. Mais en tronquant l’image, les Morbacks occultent le fond et laissent entendre que Djordje serait un adepte des thèses délirantes d’Icke. Encore une falsification bien dégueulasse.

    Capture d’écran faite par les Morbacks

    Image non-découpée
    Image non-découpée
  • Les charges contre Djordje étant peu probantes, c’est le moins qu’on puisse dire, les Morbacks sont obligés d’en rajouter en s’en prenant plus directement à la première cible de leur article : Alexis Corbière. Le camarade Corbière est donc accusé d’avoir participé à une conférence aux côtés de l’historienne conspirationniste Annie Lacroix-Riz (membre du PRCF, groupuscule néo-stalinien obsédé par l’UE), conférence filmée et diffusée par les nationalistes de l’UPR. On peut discuter de la pertinence de s’asseoir à côté d’Annie Lacroix-Riz (qui est tout de même une universitaire reconnue, malgré ses idées contestables), mais le thème de la conférence étant la montée de l’extrême-droite, il est évident que Corbière intervenait là dans son champ de compétence, pour défendre des idées antifascistes, et qu’il ignorait sans doute que c’était des gens de l’UPR qui filmaient.
    Mais pour les Morbacks, dont on mesure à présent la finesse, l’affaire est bien sûr entendue : Corbière s’est mouillé avec des nationalistes. « Et oui Alexis Corbière », écrivent-ils, « quand on va débattre avec des fafs, filmé par des fafs (que du coup, on sert leur propagande), on devrait a minima la fermer sur le sujet ». Sauf que… le débat auquel participait Corbière se déroulait sur le plateau des Glières en 2013, et était organisé par le CRHA qu’il serait vraiment ridicule d’accuser d’être « faf ». A côté d’Alexis Corbière et d’Annie Lacroix-Riz, il y avait aussi JP Ravaux, président de VISA. En croyant mouiller Corbière, les Morbacks visent donc également la FSU, Solidaires, la CGT, la CFDT, la CNT, l’UNEF et le syndicat de la Magistrature. Ça en fait des « fafs » ! On voit bien que cette accusation est débile. Eh oui, camarades Morbacks, quand on prend des militants de gauche, des résistants et des syndicalistes pour des « fafs » (que du coup, on nourrit la confusion qu’on prétend dénoncer), on devrait a minima la fermer sur le sujet !
  • Pour finir, les Morbacks nous offrent en « bonus » une capture d’écran nous informant qu’en 2012, Djordje avait changé sa couverture Facebook pour une image portant le sigle « SPQR », avec en commentaire ironique : « La très jolie bannière facebook “l’humain d’abord” — rires soutenus là encore —… »
    Il ne sera pas venu à l’idée de nos hyènes ricanantes que Djordje puisse être juste passionné d’histoire romaine ni que la devise « senatus populusque romanus » de la République puis de l’empire romain, et figurant toujours sur le blason de la ville de Rome, ne soit pas un élément de propagande mussolinienne subliminale et puisse ne rien avoir de contradictoire avec le slogan « l’humain d’abord » du FdG. D’ailleurs, les Morbacks, s’ils étaient allés moins vite en besogne, auraient pu aussi bien trouver sur le mur Facebook de Djordje une statue d’Auguste, ou la couverture du roman Spartacus (excellent livre d’Arthur Koestler au demeurant, représentant le personnage de Spartacus en anti-Staline, qui choisit la défaite plutôt que de s’abaisser à devenir un tyran pour vaincre, mais là, ça doit être trop subtil pour les Morbacks, et puis surtout, ça n’accréditerait pas leur thèse à charge).

Bref, l’article des Morbacks Véners se révèle en fin de compte complètement vide et, s’ils avaient été rigoureux et honnêtes, tout ce qu’ils auraient pu trouver à reprocher à Djordje, c’est de manquer peut-être de recul par rapport à la propagande russe relative à la guerre en Ukraine.

Venons-en au deuxième article, publié cette fois par Confusionnisme.info, site à propos duquel je rejoins les remarques formulées par l’Observatoire des réseaux. Le travail d’Ornella Guyet, qui aurait pu (et dû) être un travail d’utilité publique, me semble souvent gâché par un manque de rigueur certain et une confusion néfaste entre engagement idéologique et antifascisme, ce qui fait que quiconque à gauche diverge un peu du prisme de l’auteure (prisme « internationaliste anti-autoritaire ») se voit accusé de confusionnisme ou de collusion avec l’extrême-droite. Ornella Guyet renvoie d’ailleurs au sujet de Djordje vers l’article des Morbacks Véners dont on vient de voir qu’il était entièrement à charge et malhonnête.

A propos de Djordje Kuzmanovic, donc, elle affirme dans un article consacré à la question ukrainienne que « les manifestations de soutien au Donbass organisées par Benajam sont tout autant fréquentées par l’auteur d’extrême droite Lucien Cerise que par le membre du bureau politique du Parti de Gauche Djordje Kuzmanovic ». Pour illustrer cette supposée collusion, une photo tirée d’une vidéo de l’Agence Info Libre, légendée ainsi : « Djordje Kuzmanovic (au centre avec le micro) filmé par l’Agence Info libre à la tribune d’un rassemblement “contre la guerre en Ukraine” organisé par Alain Benajam et ses sbires le 22 juin 2014. » Djordje Kuzmanovic est donc ici accusé par Ornella Guyet de fréquenter en compagnie d’un auteur d’extrême-droite des manifestations organisées par le complotiste Alain Benajam (proche de Thierry Meyssan) filmées par un média dieudo-soralien. N’en jetez plus !

Image de Djordje à la tribune avec logo de l'Agence Info Libre pour bien le mouiller
Image de Djordje à la tribune avec logo de l’Agence Info Libre incrusté

Quid de Lucien Cerise ? Ornella Guyet nous donne un lien vers une vidéo de l’Agence Info Libre montrant Cerise à un rassemblement… du 2 aout 2014. Or, la photo de Djordje exhibée par Confusionnisme.info a été prise lors d’un autre rassemblement, le 22 juin 2014. La formulation de Confusionnisme.info n’apporte donc ici que confusion.
Par ailleurs, ce premier rassemblement contre la guerre en Ukraine du 22 juin 2014, donc en pleine offensive des troupes de Kiev contre les villes tenues par les séparatistes dans l’est du pays (faisant de nombreuses victimes civiles), a en fait été organisé par le collectif « France-Russie-Ukraine : dialogue » dont les contacts affichés étaient… Djordje Kuzmanovic lui-même et l’historien Gueorgui Chepelev (du « Collectif citoyen pour la paix en Ukraine »). Ce collectif se présentait comme un rassemblement de « citoyens français, russes et ukrainiens, avec le soutien des collectifs « Russie-France : Secours d’urgence », « Dialogue russo-ukrainien» ». A noter que le texte de l’appel à manifester ne contient aucune apologie du régime de Poutine, ni des séparatistes du Donbass. Et ne mentionne nulle part le sulfureux Benajam. Ornella Guyet accuse donc abusivement Djordje d’avoir participé à une manifestation organisée par Benajam alors que c’est plutôt le contraire qui s’est produit.
Le montage de la vidéo de l’Agence Info Libre commence par une interview de Benajam dans la petite foule (très clairsemée), mais les images de la tribune ne laissent voir comme « officiels » que Gueorgui Chepelev et Djordje Kuzmanovic (dont la prise de parole se borne aussi à appeler à la paix, ce dernier insistant sur la nécessité de permettre la mise en place de l’aide humanitaire).
Quand il organise un événement, Benajam peut compter sur le réseau Voltaire (réseau complotiste dont il dirige la branche française) pour en faire la propagande, comme pour cette autre manifestation quelques jours plus tard : « le Comité anti-impérialiste, le Collectif France-Russie, le Comité Valmy, les éditions Démocrite, La voix de la Libye, le Rassemblement pour la Syrie, et le Réseau Voltaire organisent une manifestation de soutien aux victimes de la guerre au Donbass, samedi 5 juillet 2014 à 15h, à Paris, place de la République ». Rien de tel pour la manif du 22 juin.
Benajam n’est donc pas l’organisateur de la manifestation du 22 juin organisée par Djordje mais il l’a bien été de celle du 5 juillet… pour laquelle Djordje et le collectif « France-Russie-Ukraine : dialogue » ne sont cette fois nullement mentionnés. Ornella Guyet n’aurait-elle pas procédé à un amalgame un peu rapide ?

Dans une interview à La Voix de la Russie (devenu Sputniknews), média russe à la botte du régime de Poutine, Djordje déclare à propos du rassemblement du 22 juin 2014 :

« En majorité c’étaient des franco-russes, mais il y avait des Russes, des Ukrainiens et des Français tout simplement. Il y avait différentes organisations politiques, on avait des membres du Parti Communiste Français, des membres du Parti de Gauche et d’autres membres de partis plus à droite. On avait des citoyens non encartés et des associations, l’association France-Russie, l’association d’amitié France-Ukraine, plusieurs associations de ce type là. (…) Là on a fait un rassemblement citoyen, ce qui était compliqué à organiser puisqu’on a mis nos avis personnels de coté et on est arrivé à un texte, le plus acceptable pour tout le monde. Certains peuvent le trouver pas assez engagé mais il permet de rassembler largement autour de la thématique de la paix, de l’arrêt des combats, des corridors humanitaires et des zones d’exclusions aériennes. Maintenant chacun est dans des organisations politiques où on a des engagements qui sont différents, moi je suis dans le Parti de Gauche et nous avons une position sur l’Ukraine qui est très en opposition à l’OTAN, nous sommes pour la sortie de l’OTAN, donc on va plus loin sur certaines questions. »

Outre la présence de Benajam et de la caméra de l’AIL à la manifestation, il est donc attesté que les organisateurs n’ont pas été très regardants sur les participants : il ne s’agissait pas d’une manifestation « de gauche » mais d’une manifestation se voulant ouverte à tous les partisans de la paix en Ukraine (un intervenant favorable au gouvernement de Kiev a même apparemment pu s’y exprimer). Cela n’en fait pas pour autant une manifestation d’extrême-droite ni de Djordje un habitué des événements organisés par « Benajam et ses sbires ». La présentation faite par Ornella Guyet est donc fallacieuse.

En fait, il était possible de trouver plus compromettant, pourtant : sur une autre vidéo (non-évoquée par Confusionnisme.info), mise en ligne par le compte « Ukraine Donbass » sur youtube, on peut voir le militant d’extrême-droite André Chanclu, ex-GUDard à la tête du groupe Novopole et du collectif « France-Russie » (qui ne figure pas dans les organisateurs de la manifestation et qui est à distinguer de l’association France-Russie) non seulement être présent mais s’emparer du micro (à un autre moment de la manifestation). On retrouve d’ailleurs le même Chanclu avec Benajam dans les autres événements pro-Donbass organisés ultérieurement (sans aucune participation de Djordje, cette fois). Dans une manif ordinaire avec service d’ordre d’organisations de gauche, un tel personnage aurait été dégagé manu militari et c‘est évidemment une faute de laisser la parole à un tel fasciste. Je ne sais d’ailleurs si Djordje savait alors qui était Chanclu mais il est assurément fâcheux de participer à un événement aux côtés d’un tel personnage. Peut-être les organisateurs avaient-ils jugé suffisant de stipuler quelques règles pour se prémunir contre la promiscuité fasciste ?

Sur la page FB de l'événement
Mise au point d’un des administrateurs sur la page FB de l’événement

« Les symboles chauvinistes, racistes, militaristes, violents, insultants » étaient donc proscrits. On peut juger que c’est un peu léger sur un thème qui est susceptible de mobiliser facilement l’extrême-droite. Mais malgré sa russophilie, Djordje n’a visiblement pas jugé opportun de se joindre aux manifestations ultérieures qui, elles, ont été assurément entièrement phagocytées par l’extrême-droite. Ce qu’on peut lui reprocher, c’est de manquer singulièrement de recul par rapport à la propagande russe et de n’avoir pas été assez vigilant quant à l’organisation d’un événement (un seul !) susceptible d’attirer des gens peu recommandables. Peut-on pour autant l’accuser d’être le tenant d’une ligne rouge-brune de collusion de la gauche radicale avec l’extrême-droite contre le grand Satan américain ? Je ne le pense pas. En tout cas, les éléments mis en avant par les Morbacks et par Ornella Guyet me semblent suffisamment biaisés, malhonnêtes et destinés à salir pour que je ne m’y fie pas. Et puisque j’ai dû, pour vérifier leurs assertions, explorer moi aussi la page Facebook de Djordje, je peux tout aussi bien rendre compte que j’y ai trouvé des éléments qui attestent de l’engagement antifasciste et internationaliste incontestable de ce camarade, notamment en faveur du peuple kurde et de la gauche turque.

Manifestation de soutien aux Kurdes

Pour conclure, bien qu’opposé au travers campiste de mon propre parti, au sein duquel je ne renonce pas à exprimer une voix plus critique vis à vis de la politique des BRICS en général et de la Russie en particulier, je n’irai pas hurler avec les loups contre Djordje Kuzmanovic ni contre JLM. De même que je n’irai pas hurler contre les militants du NPA ou d’Ensemble si dans telle ou telle manifestation ils se sont retrouvés aux côtés de Bonnets rouges, d’Indigènes de la République, de Salafistes voire de Dieudo-soraliens, alors même que je désapprouve profondément ce type de promiscuité. Je reste plus que jamais attaché à l’écosocialisme, à la 6e République, au partage des richesses et du travail, à la remise en cause de l’ordolibéralisme austéritaire et de la propriété lucrative, ainsi qu’à la lutte antifasciste dont les Morbacks Véners et Ornella Guyet n’ont assurément pas le monopole. C’est pourquoi j’apporte mon soutien à la proposition de candidature de Jean-Luc Mélenchon pour l’élection présidentielle de 2017 et invite mes concitoyens à faire de même et à participer à la mise à jour de notre programme. J’invite aussi les camarades des organisations de gauche ou libertaires qui ne se reconnaissent pas dans cette stratégie à poursuivre leur propre voie sans tomber dans le dénigrement systématique sur la base d’amalgames malhonnêtes tels que ceux que je viens de décrypter dans le présent article. Et j’invite particulièrement les « antifas » à en finir avec la méthode du soupçon généralisé (voir la réponse que François Ruffin leur avait déjà faite) qui nuit au combat antifasciste en salissant des militants de gauche qui sont eux-mêmes tout à fait et indubitablement antifascistes.

Lettre ouverte à Stéphane Guillon

Monsieur Guillon,

Ayant banni de chez moi la télévision il y a déjà pas mal d’années, je n’ai pas eu l’occasion de suivre votre carrière en détails. Je me souviens avoir vu à la fin des années 2000 sur internet des extraits de certaines de vos prestations télévisées durant lesquelles vous faisiez preuve d’un humour plutôt vachard (et un peu phallocrate, il me semble) contre des personnalités du monde du spectacle qui m’étaient souvent inconnues mais dont je soupçonnais que, du fait même de leur insignifiance sur les plans esthétique, artistique ou idéologique, elles ne méritaient peut-être pas tant de hargne. Puis je vous ai entendu quelques fois sur France Inter, et vos chroniques qui devenaient de plus en plus politiques et incisives, égayèrent mes matinées en ces tristes temps sarkozystes… Jusqu’à ce que Jean-Luc Hees et Philippe Val vous jetassent dehors, ainsi que votre collègue Didier Porte, pour complaire à Nicolas Sarkozy. Je me souviens que lors de cette très politique éviction vous reçûtes d’ailleurs le soutien appuyé d’un certain Jean-Luc Mélenchon.

Oubliant mes premières préventions à votre encontre, j’allai ensuite assister à l’un de vos spectacles et passai un bon moment.

C’est donc avec étonnement et déception que je découvre l’article que vous avez publié dans l’ex-Libération le 6 décembre 2013, sous le titre : « Mélenchon… La grande illusion ! » Bien sûr, en tant que partisan de Gauche, je ne suis pas le meilleur client qui soit pour les attaques contre le co-président de mon parti. Mais je suis plutôt adepte de la satire et plus familier de la devise « ni dieu ni maître » que du culte de la personnalité. Autrement dit, partager les idées de Mélenchon ne m’interdit pas de goûter éventuellement la critique ou la moquerie contre lui. Et j’aurais pu rire de bon coeur à vos saillies si vous aviez visé juste. Au contraire, votre article m’a déçu par son évidente malhonnêteté (par égard pour vous, j’écarte l’hypothèse de la simple bêtise). Voyons les faits.

Vous reprochez d’abord à Jean-Luc Mélenchon « d’avoir bidouillé son intervention au journal télévisé » du 1er décembre 2013. En effet, selon vous :

“Alors qu’il nous avait promis « la foule des grands jours » pour sa marche en faveur d’une révolution fiscale, le chef du Front de gauche se trouvait quasiment seul, avenue des Gobelins, quelques minutes avant son direct sur TF1. Branle-bas de combat, panique à bord, il a fallu trouver à la hâte une vingtaine de militants afin que le vieux leader paraisse entouré. Pour que l’illusion soit parfaite, TF1, complice de cette mascarade, avait filmé Jean-Luc en plan serré et Claire Chazal, toujours bienveillante, déclarait : « On aperçoit derrière vous des drapeaux et des gens qui se massent. » La grande illusion. (…)

Oui, mais manque de bol, un journaliste d’Euronews habitant dans l’immeuble d’en face immortalisa la scène en la photographiant : devant la caméra, un Jean-Luc Mélenchon, seul, perdu au milieu de l’avenue des Gobelins, avec en arrière plan, tel un décor de carton-pâte, un dernier carré de supporteurs fidèles… cliché dévastateur !”

A partir de là, vous soutenez que Mélenchon a voulu « sauver à tout prix les apparences, déguiser la vérité » pour masquer l’échec (selon vous) de la manifestation à laquelle il avait appelé ce jour-là. Le problème, c’est que le jour où vous publiâtes votre article, il était déjà notoire que la fameuse photographie sur laquelle vous appuyez votre théorie avait été prise avant la manif, avant donc que les manifestants n’affluassent. Mélenchon était « seul » (hormis le petit groupe de militants massés derrière lui) tout simplement parce qu’il venait de déjeuner et que la manif n’était pas commencée !  Oui, JLM ne va pas casser la croûte avec des milliers de manifestants (« quel snob ! » auriez-vous pu dire, et ça m’aurait fait marrer) ; il paraît même qu’il lui arrive aussi de dormir ou de faire sa toilette sans être entouré d’une foule compacte, et je vous imagine déjà clamant devant une porte de WC, tel le pitre Cahuzac que vous semblez chercher à égaler : « vous êtes un homme seul, Monsieur Mélenchon ! » C’est malheureux, tout de même : j’en suis réduit à faire moi-même les vannes qui manquent à votre texte.

Mélenchon seul
Mélenchon seul et sans bidouille avant la manif

Mais reprenons. Ne vous en déplaise, JLM ne pouvait pas « bidouiller » avec la complicité de TF1 pour masquer le prétendu échec d’une manifestation qui n’avait pas encore eu lieu. C’est d’ailleurs le PG et Mélenchon, et non un reporter de balcon, qui ont publié en premier sur Twitter une photo qui, contrairement au cadrage de TF1, ne laisse pas l’ombre d’un doute : on y voit clairement que le petit groupe de militants qui est derrière JLM n’est pas le gros de la manifestation mais bien un simple avant-poste qui ne remplit évidemment pas l’avenue. Ces militants n’ont donc pas été réunis « à la hâte » pour parfaire une « illusion » mais sont juste venus faire nombre derrière l’interviewé, comme Mélenchon s’en expliquait sur son blog trois jours avant que vous ne publiassiez votre article. Ou bien vous l’ignoriez, et c’est fâcheux (renseignez-vous un peu avant d’écrire n’importe quoi, même dans un torchon comme l’ex-Libé), ou bien vous le saviez, et c’est malhonnête. On peut déplorer (je le déplore) que le spectacle médiatique impose des mises en scène, mais à moins d’être complètement demeuré, vous ne pouvez attendre d’un responsable politique aussi aguerri que Mélenchon qu’il se laisse interviewer avec deux clodos devant une pissottière graffitée pour donner envie au télé-spectateur de rejoindre la manif qui se prépare. Le spectacle télévisuel exige du décor et du pittoresque. Sinon, les chaînes de télé n’iraient pas se faire chier par exemple à envoyer un journaleux devant la Maison Blanche pour commenter des élections américaines qui peuvent parfaitement être analysées en studio depuis Paris. Ou bien on refuse toute interview télévisée (c’était la position très cohérente de penseurs comme Bourdieu ou Debord, mais c’est impossible à tenir pour un mouvement comme le Front de Gauche qui aspire à conquérir le pouvoir par les urnes), ou bien on en accepte les contraintes les moins compromettantes, et dès lors, autant choisir la couleur du décor (rouge et verte en ce qui nous concerne, et avec de l’humain d’abord). Je vous conseille à ce sujet la lecture d’un article d’Henri Maler et François Neveux (sur Acrimed), qui réussit ce que vous n’avez pas su faire dans le vôtre : être à la fois critique, intelligent, honnête et même parfois drôle. Si vous êtes paresseux, j’en retiendrai pour vous ces extraits édifiants :

“Les conditions de fabrication, souvent lamentables, d’un journal de télévision imposent fréquemment de composer sciemment des images, ne serait-ce que quand il est demandé à un témoin d’agir devant la caméra « comme il le fait d’habitude ». Ceux qui s’indignent de cette mise en image – qui aurait pu connaître le même destin que les autres, c’est-à-dire passer inaperçue – ne peuvent pas ignorer, du moins l’espère-t-on, que presque tout ce qu’ils voient dans les émissions d’information a aussi fait l’objet d’une construction, plus ou moins volontaire ou habile qui vise à esthétiser ou recréer la réalité. Faute de moyens, la nécessité de produire des images au jour le jour, parfois en direct, impose aux journalistes, qui font fréquemment de nécessité vertu, de forcer les faits à se produire sous leurs yeux, sans pouvoir attendre qu’ils se produisent par eux-mêmes. Pour ne rien dire du fait que tout acteur ou témoin, en présence d’une caméra, cesse d’être lui-même et modifie son comportement pour se présenter sous tel ou tel jour… (…)

Dure leçon de chose. Acrimed n’a cessé de mettre en garde les contestataires (sans leur prescrire la « bonne solution ») contre les risques de la personnalisation et de la médiatisation à tous prix. Que les collectifs doivent être incarnés par des porte-paroles va de soi. Mais pas au point de laisser les médias construire des personnages médiatiques qui échappent aux collectifs : il en fut ainsi avec Georges Marchais ou plus récemment avec José Bové (le « gaulois destructeur de Mac Do ») ou Olivier Besancenot (le « facteur de Neuilly qui roule à bicyclette »). Que des contestataires veillent sur les conditions de leur médiatisation, rien de plus normal. Mais quand le souci d’obtenir de belles images militantes fait fi de toute réserve, c’est la crédibilité de la critique de la construction médiatique de l’information qui en pâtit.”

Pour ma part, je souhaite que le Front de Gauche et son principal porte-parole méditent ces lignes. Mais je sais aussi à quel point il est nécessaire pour nous de contrer sans cesse l’image de nous que donne à voir le système médiatique (cette image qu’hélas vous reprenez à votre compte). Mon camarade de l’OPIAM a d’ailleurs bien montré à quel point les médiacrates et les solfériniens s’efforcent (tout comme les antisémites soraliens ou les lepénistes patentés) d’exploiter à l’infini les images les plus repoussantes possibles d’un Mélenchon qui leur fait horreur. Car le storytelling à succès de la dédiabolisation de Marine Lepen va de pair avec la diabolisation, y compris visuelle, de Mélenchon et du Front de Gauche. Vous y contribuez vous-même, hélas, monsieur Guillon, par votre article malhonnête et l’écume qu’il suscite. Par exemple, sur Twitter, vous répondez aux militants du Front de Gauche qui n’ont pas apprécié votre malhonnêteté qu’ils ont « autant d’humour que ceux du FN », et un dénommé Jean-Daniel Flaysakier (comique troupier qui se présente comme « journaliste professionnel et médecin aussi » — ne lui manquait plus que le titre de ministre du budget !) de surenchérir en vous répondant « plus que certains ! pas loin de la majorité » puis « c’est plus facile de desaliniser que de déstaliniser ». Cela doit être de l’humour de droite, je suppose.

Le procédé nous est désormais familier : « Mélenchon = Staline, Front de Gauche = FN, pasque les esstrêmes se rejoignent, ma bonne dame ! Tous des populiss ! » Encore échappe-t-on pour cette fois à Hitler, Pol-Pot ou la Corée du Nord. Mais vous vous laissez tout de même aller à comparer JLM à « Dieudonné, cet ancien humoriste, aujourd’hui révisionniste, abonné désormais aux jeux de mots nauséabonds » et à évoquer les « anciens camarades » qui parlent « de vocabulaire des années 30, de relents antisémites », recopiant ainsi les lamentables calomnies solfériniennes, et vous gardant bien de mentionner plutôt d’autres « anciens camarades » qui ont, eux, tels Julien Dray, l’honnêteté de reconnaître que « traiter Mélenchon d’antisémite, c’est imbécile et ça tue le débat nécessaire« . Je renvoie encore une fois à la lecture de l’OPIAM pour une recension plus approfondie des crachats et vomis dont vos employeurs, monsieur Guillon, nous couvrent habituellement. Les chaînes Canal + et iTélé n’ont de leur côté pas hésité à diffuser des images bidonnées d’une autre manifestation plus clairsemée datant de la veille (sans que vous vous émussiez d’ailleurs de cette « illusion »-là) pour accréditer le mensonge solférinien d’un échec de la manif du 1er décembre. Je vous l’accorde : c’est sans doute le signe du succès mitigé de cette marche, car si cette manif avait réuni des centaines de milliers de personnes, les chaînes de télé auraient plutôt ressorti des images de la Wehrmacht défilant sur les Champs-Elysées en 40 ou des chars soviétiques à Prague en 68. Décidément, contrairement à ce que vous affirmez, il n’y a pas grand mal à agiter quelques drapeaux derrière Méluche interviewé par Claire Chazal et à ne pas perdre du temps à la détromper lorsqu’elle croit que c’est la manif qu’elle aperçoit au fond (après tout, depuis combien de temps n’a-t-elle pas vu une manif de près ? Faut comprendre, elle n’est que femme-tronc, pas reporter de balcon).

Mais parlons encore un peu « bidouille », puisque vous êtes amateur. Le reporter de balcon qui a « révélé » que Mélenchon était « seul » (avant que des milliers de personnes ne remplissent la rue) travaillait selon vous pour Euronews. Pas de bol, c’est faux. Stefan de Vries (peut-être passé de son balcon à son salon) a même pris la peine de vous signaler lui-même votre erreur dans les commentaires de votre article en ligne. Ce n’est pas la plus grosse de vos erreurs, mais reconnaissez que ça la fout un peu mal, pour un mec qui prétend dénoncer une bidouille. Plus grave : vous laissez entendre que la scène filmée par TF1 « complice » de Mélenchon vise à masquer le fait que celui-ci est « quasiment seul » alors qu’il avait « promis la foule des grands jours ». Tout d’abord, Méluche n’est pas un monsieur météo de la mobilisation, et il n’a pas le pouvoir de faire pleuvoir les foules ni même de les prédire. Il n’avait rien « promis », malgré les relances stupides des journalistes qui lui demandaient des chiffres, mais avait espéré (c’est bien légitime) une forte mobilisation, reconnaissant tout de même la veille sur Canal + (la chaîne des truqueurs) qu’il avait un « petit trac ». Ensuite, la photo du reporter de balcon, qui n’a d’abord que très peu été « retweetée » lorsque son auteur l’a publiée sur Twitter, n’a commencé à faire le buzz que lorsqu’elle a été reprise par l’extrême-droite et les complotistes qui sévissent sur internet (voir encore les explications de JLM sur son blog). C’est donc la propagande fasciste de caniveau que vous relayez à votre tour ! Car quoi que vous pensiez de la mise en scène de TF1, l’avenue vide au moment de l’interview a bel et bien été remplie après celle-ci par une foule nombreuse. En comparant JLM à « Sarkozy convoquant des figurants habillés en ouvrier lors de la visite d’un chantier », vous accréditez, comme les fachos et les conspirationnistes, l’idée qu’il n’y aurait pas eu de manifestants du tout, à part 20 « figurants ». Or, non seulement ceux qu’on voit derrière JLM lors de l’interview sont de vrais manifestants du PG, et non des figurants, mais ils ont bel et bien été ensuite des milliers dans la rue à former « la foule des grands jours », si ce n’est la foule des très grands jours.

Nous en venons à la question du chiffrage. Combien étaient-ils finalement, ces manifestants ? Vous avez une idée très précise, et indubitablement erronée, sur la question :

« Comment un homme qui, il y a deux ans, rassemblait 120 000 personnes, peine-t-il aujourd’hui à en réunir 7 000 ? »

manif du 1er décembre
7000 manifestants ? Soyons sérieux !

Il aurait pu vous venir à l’esprit qu’en pleine démoralisation due à la politique austéritaire de Hollande, après l’épisode difficile pour le Front de Gauche des divisions parisiennes orchestrées de main de maître par les Solfériniens, la mobilisation de ce froid dimanche de décembre, sans être aussi spectaculaire bien sûr que celle de la campagne présidentielle d’un printemps 2012 encore plein d’espoirs, était tout de même une sacrée putain de prouesse. Notons que vous admettez les chiffres de 120000 donnés par JLM « il y a deux ans », mais que vous ne reprenez pas les 100000 annoncés cette fois-ci. Mais pourquoi croire le Méluche de mars 2012 et pas celui de décembre 2013 ? Vous préférez prendre pour argent comptant le nombre ridicule et impossible de 7000 annoncé par Valls alors que la préfecture avait déclaré qu’elle ne donnerait pas de chiffres. Pourquoi ? Comme le relate Acrimed, le nombre de 100000 peut être contesté (puisqu’on sait d’avance, depuis la dernière marche pour la VIe République, que Valls annoncera n’importe quoi, il est tentant de charger la mule dans l’autre sens) mais les observateurs les plus sérieux ont tous parlé de dizaines de milliers de manifestants, c’est-à-dire davantage que les Benêts Rouges de Bretagne la veille. A ce titre, un des objectifs de cette manif a bien été rempli. En professionnel de la comédie, vous goûterez peut-être, monsieur Guillon, ce commentaire de François Delapierre qui m’a fait bien rire (dans A Gauche n°1371) :

“J’invite ceux qui chipotent sur les 100000 marcheurs du 1er décembre à organiser une manifestation en faveur de la politique fiscale du gouvernement. Qu’ils mettent sur leur banderole les slogans de Hollande : « le travail coûte trop cher », « 20 milliards pour le patronat, ça créera des emplois », « une seule solution, la compétitivité » ou un slogan plus direct, « cajolons les actionnaires, pas les salaires. » Nous comparerons ensuite les cortèges.”

Avouez que c’est tout de même plus drôle et plus mordant que la propagande solférienne que vous nous infligez dans l’ex-Libé, non ? Il faut dire que cette propagande, peu réputée pour ses effets comiques volontaires, vous la recopiez décidément avec un zèle de bon bourrin bien dressé et sans la moindre distance ironique. Vous dressez ainsi une liste entièrement falsifiée de « provocations » de Mélenchon :

  • « Cuba n’est pas une dictature« , aurait-il dit. Oui, mais vous tronquez ses propos, oubliant de mentionner que dans la même interview sur France Inter le 5 janvier 2011 (voir l’extrait vidéo sur Arrêt sur images), il avait aussi affirmé : « ce n’est pas une démocratie comme nous l’entendons« , avant de préciser que s’il défendait l’expérience socialiste cubaine dans le contexte latino-américain, il n’était évidemment pas question de prôner un tel modèle pour la France. C’est un point de vue contestable, si vous voulez, mais bien plus nuancé que vous ne le laissez paraître, tout occupé que vous êtes à faire endosser à Mélenchon le costume de dictateur stalinien que veulent lui tailler la droite décomplexée (UMP, UDI…) et la droite complexée (PS).
  • « Pierre Moscovici ne pense pas français mais finance internationale » est une citation elle aussi tronquée et falsifiée, celle utilisée par les médiacrates (Quatremer, Aphatie…) et les solfériniens (Désir, Attali…) pour porter une stupide autant qu’ignoble accusation d’antisémitisme contre JLM. En tant que commentateur de l’actualité, et puisque vous avez fait l’effort de recenser les phrases de Mélenchon ayant suscité des polémiques ces derniers mois, vous ne pouvez ignorer que cette citation est fausse, comme l’a révélé aussitôt Michel Soudais dans l’hebdomadaire Politis le 24 mars 2013. Ce qu’a réellement dit JLM à propos de Moscovici (qui venait d’accepter que la troïka raquette la pauvre population chypriote), c’est : « Donc il se met dans leurs mains. Donc c’est un comportement irresponsable. Ou plus exactement c’est un comportement de quelqu’un qui ne pense plus en français… qui pense dans la langue de la finance internationale. » Comme l’explique Michel Soudais, « ce que reproche Mélenchon à Pierre Moscovici ce sont bien ses actes politiques, dans le cadre de ses fonctions. Pas autre chose. Et si le PS entend autre chose, c’est évidemment pour des raisons inavouables. »
  • « Le Petit Journal est la vermine du FN » semble être pour vous une phrase infâmante. N’ayant jamais vu cette émission, je veux bien cette fois me fier à votre jugement et convenir qu’en disant cela, JLM ait pu être vraiment trop trop méchant avec de braves journalistes consciencieux. Mais il m’est arrivé de lire des choses pas jolies jolies sur les turpitudes du Petit Journal. J’aurais donc tendance à faire plutôt confiance à mon camarade Antoine Léaument lorsqu’il démonte minutieusement la façon dont cette émission participe à la diabolisation médiatique de Mélenchon, pendant de la dédiabolisation de Marine Le Pen.
  • « Les Normands sont des alcooliques et des Français arriérés« , voilà encore une phrase provocatrice, selon vous. Je note en passant que vous avez les mêmes indignations que le site d’extrême-droite Riposte Laïque. Là encore, vous sortez avec malveillance une phrase de son contexte et la déformez. C’est en effet lors d’un entretien de février 2013 avec une radio marocaine au sujet de son enfance à Tanger que JLM a raconté qu’il avait été « horrifié », enfant venant d’une grande ville multiculturelle d’Afrique du Nord, de découvrir en arrivant en Normandie une population «d’alcooliques et d’arriérés». «La France des campagnes était extraordinairement arriérée par rapport au Maroc des villes», précisait-il. JLM parlait donc du déracinement d’un jeune pied-noir urbain transplanté brutalement dans la France rurale du début des années 60. Quel choc pour un gosse de 11 ans venant d’un pays musulman de découvrir les ravages massifs de l’alcool ! Il faut vraiment être con ou malhonnête (en ce qui vous concerne, je le répète, je penche pour la seconde hypothèse) pour voir dans ce témoignage du mépris pour les Français d’aujourd’hui et pour nier que l’alcoolisme ait pu être un sacré problème dans la France des années 60.
  • “Le vieux cabot de la politique, dites-vous, ne supporte pas la relève. Ainsi les Bretons qui lui ont volé sa révolution sont «des esclaves manifestant pour les droits de leur maître».”  Encore une falsification grossière, non pas du discours de JLM, cette fois, mais de la situation politique. Non, le mouvement des Benêts Rouges ne représente pas « les Bretons ». Il y a aussi des salariés bretons qui ne défilent pas derrière leurs patrons mais plutôt contre eux. Il y a aussi des Bretons qui ne défendent pas l’agriculture productiviste polluante, qui ne suivent pas le Medef, le FN, les Identitaires et les Régionalistes. Et non, monsieur Guillon, les Bretons qui s’y sont laissés prendre ne représentent pas « la relève » de la révolution citoyenne et écologique que 4 millions d’électeurs ont appelé de leurs voeux en 2012. Si on laisse aux « nigauds » le terrain de la gronde fiscale populaire, il y a au contraire un sérieux risque de contre-révolution, voire de réaction de type fascisant. Métaphoriquement parlant, sommes-nous en 1788 ou en 1940 ? C’est là tout l’enjeu pour qui, comme JLM, a quelque connaissance des moteurs de l’histoire.

Guillon en Porsche
Le pourfendeur de la classe affaire préfère Porsche.

Votre papier, décidément fort peu satirique, mais tout à fait propagandiste, sombre aussi dans le poujadisme de bas-étage en évoquant la marotte de l’extrême-droite : les indemnités de député européen de Mélenchon (« exonérés de CSG et de CRDS », tenez-vous même à préciser, vous qu’on a vu bien moins soucieux d’exactitude par ailleurs). Vous abaissant au niveau du premier trolleur soralien venu, vous faites mine d’avoir été surpris que JLM puisse s’offrir la classe affaire en avion (au point qu’il vous ait fallu aller vérifier sa déclaration de patrimoine) alors qu’il a toujours dit que ses revenus d’élu faisaient de lui un privilégié, nonobstant le fait qu’il reverse une grande partie de ses revenus à son parti (ce que vous oubliez bien sûr de mentionner). Alors qu’on trouve sur le premier moteur de recherche venu des photos de vous au volant de votre Porsche, vous vous indignez que « le porte-parole des oubliés, des laissés pour compte », passé l’âge de 60 ans, opte, puisqu’il en a les moyens, pour un peu de confort lorsqu’il part défendre justement la cause des oubliés et des laissés pour compte à l’autre bout du monde. Peut-être vous siérait-il davantage qu’il allât à la rame nouer contact avec les gauches latino-américaines dont vos amis solfériniens disent tant de mal depuis leur salon après n’en avoir vu que ce que montre la propagande nord-américaine ?

Malgré vos propos sur Twitter contre les militants du Front de Gauche, votre malhonnêteté ne peut s’abriter derrière l’excuse de l’humour, car en paraphrasant laborieuseusement dans votre article les éléments de langage et les mensonges de la rue de Solférino, vous ne vous êtes même pas laissé l’espace de quelques bons mots. Vous pourriez au contraire assumer d’être sorti de votre rôle d’humoriste et de vous être exprimé en tant que citoyen engagé. Ce serait plus honnête. Car vous avez parfaitement le droit d’adhérer au projet austéritaire du gouvernement actuel et du parti qui le soutient, et vous avez parfaitement le droit de combattre politiquement les positions de Jean-Luc Mélenchon. Il ne vous serait d’ailleurs pas interdit non plus d’essayer de le faire avec drôlerie, mais je dois reconnaître que c’est sans doute très difficile. Même François Hollande, réputé pour son humour, ne s’y essaie même plus en public.

N’allez surtout pas croire, monsieur Guillon, que cette lettre ouverte émane d’un des ces militants (il y en a, hélas, même dans mon parti) qui ne supportent pas qu’on déboulonne leur leader maximo. Daniel Schneidermann, dans le même ex-journal que vous, a aussi écrit des choses assez dures sur Mélenchon et la manif du 1er décembre. Je ne partage pas du tout son analyse psychologisante du comportement de Mélenchon sur les plateaux télé, ni de la façon dont s’est retrouvée éclipsée la question de l’injuste augmentation de la TVA (que nous n’avons pas fini de combattre), mais je n’irai pas pour autant lui écrire une lettre ouverte vindicative, car contrairement à vous, il ne verse pas dans la falsification et dans la propagande déguisée. J’ai même envie de conclure en le citant, car un passage de son texte me semble faire mouche et devoir nous inciter, nous militants du Front de Gauche, à réflexion :

“Pendant ce temps, ce dont on ne parle plus, c’est la scandaleuse hausse de la TVA qui va frapper les pauvres, ceux qui ne peuvent pas protester, ne sont même pas venus à la manif de Mélenchon parce qu’ils n’en ont pas l’idée, parce que c’est Paris, parce que c’est loin, parce que même Mélenchon quand il passe à la télé, ce n’est plus pour parler de la TVA, c’est pour répondre à Trapenard et à Aphatie qui lui balancent des fausses images, c’est pour jouer avec eux, jouer à un jeu cruel et incompréhensible, jeu mortel où il a tout à perdre et si peu à gagner, mais jouer avec eux, vivre avec eux, les retrouver matin, midi et soir, de micro en micro, accepter ce destin d’être le repoussoir fétiche du pays enchanté, leur doudou râleur, un peu rugueux, mais qui se laisse tout de même caresser à la fin, et reviendra demain.”

S’il est vrai que Mélenchon gagnerait à passer moins de temps avec les Trapenard et Aphatie, je me dis qu’après vous avoir écrit cette longue lettre, je devrais peut-être passer moins de temps avec vous, Stéphane Guillon. C’est pourquoi j’éviterai sans doute à l’avenir d’aller à vos spectacles ou de lire vos articles. Bon vroum-vroum et la bise à Harlem.

Le Canard enchaîné caquette avec les chiens de garde

Le week-end dernier, lors du congrès du Parti de Gauche, François Delapierre et Jean-Luc Mélenchon ont déclenché les foudres de l’ex-presse et du Parti Solférinien pour avoir osé affirmer que le ministre Pierre Moscovici, ne pensant plus « en français » mais « dans la langue de la finance internationale » faisait partie des « 17 salopards » qui se sont donnés pour mission de rançonner le peuple chypriote. Sous prétexte d’une mauvaise retranscription de l’AFP qui avait oublié le « en » de « en français », les chiens de garde du PPA (Parti de la Presse et de l’Argent) comme Jean Quatremer ou Jean-Michel Apathie ont aussitôt aboyé, suivis par le gratin du Parti Solférinien (Désir, Attali…), relayés ensuite par les réseaux antisociaux et les prospectus publicitaires qui portent encore étrangement le nom de journaux (Libération, Le Point, etc.). De « relents des années 30 » en « propos dignes de Gringoire », tout ce beau monde tenait désormais de quoi salir Mélenchon de l’accusation suprême : celle d’antisémitisme.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater pas plus tard qu’hier qu’un célèbre « journal satirique paraissant le mercredi » faisait lui aussi partie de la meute. En première page du numéro du 27 mars 2013, dans un article signé J.-M. Th., soit Jean-Michel Thénard, Le Canard enchaîné aboit en effet comme un vulgaire Quatremer :

« Non, Jean-Luc Mélenchon n’est pas antisémite. La preuve, il ne savait pas que Pierre Moscovici était juif. Ce n’est pas parce qu’il a fréquenté pendant trente ans les dirigeants du PS qu’il est tenu de connaître la religion de tous ses membres, nom de Dieu ! »

Les lecteurs habitués aux antiphrases du Canard auront compris que Thénard ne croit pas du tout que Mélenchon ait pu ignorer que Moscovici fût juif, et qu’il n’y a donc finalement pour lui pas de preuve que Méluche ne soit pas antisémite. CQFD. Sous l’humour pas drôle, la diffamation de bas étage. Monsieur Thénard serait-il le genre de mec qui passe son temps à se demander quelle est la religion ou l’origine communautaire de chacun de ses collègues ? De même qu’Harlem Désir a fait tout seul l’amalgame entre « juif » et « finance internationale » pour pouvoir calomnier Mélenchon, Thénard ne fait que projeter sur les autres ses propres obsessions. Pour ma part, si on m’avait posé la question, je crois que j’aurais répondu bêtement sans réfléchir que Moscovici était peut-être corse, ou d’origine italienne. Et je dois avouer que parmi mes camarades de comité du PG, je sais juste que l’un est catholique et deux autres musulmans (encore que je ne sache pas s’ils sont vraiment pratiquants), mais que je ne sais pas du tout si les autres sont juifs, athées, bouddhistes, protestants, agnostiques… Car tout simplement, dans un parti politique de gauche et laïque, la religion en tant que pratique personnelle privée, n’est pas un sujet fréquent de conversation. Pour tout dire, on s’en fout, de la religion des uns et des autres.

J.-M. Th. compare ensuite la version tronquée de l’AFP et la vraie phrase de Mélenchon pour ironiser sur la « nuance » :

« Dans un cas, ça frise l’antisémitisme. Dans l’autre c’est politiquement correct. »

La suite de l’article laisse entendre qu’en fait, ça friserait plutôt dans tous les cas l’antisémitisme :

« C’est le paradoxe, avec le patron [sic] du Front de gauche : plus il cannonne les socialistes, plus il faut peser au millimètre ses propos. Une préposition oubliée dans une de ses phrases et voilà l’ancien ministre de Jospin qui passe de l’extrême gauche à l’extrême droite. Plus il est simpliste, moins les choses sont simples. C’est dire s’il faut le prendre désormais avec des pincettes. »

Harlem Désir lui-même n’aurait pas rêvé plus fielleuse insinuation. Pourtant, n’importe quel esprit sensé peut voir que même sans la préposition « en », la phrase de Mélenchon n’avait rien d’antisémite : un Moscovici « qui ne pense pas français, qui pense finance internationale », cela aurait simplement désigné le fait que Moscovici ne défend pas les intérêts du peuple français mais ceux de la finance internationale, ce qui est objectivement le cas dès lors que sa politique est dictée par les marchés, et on peut en dire assurément autant d’un Cahuzac ou d’un Cazeneuve qui ne sont peut-être pas juifs, eux (je l’espère pour ma démonstration — sinon, remplacez par un autre Solférinien parpaillot ou catho certifié). Contrairement à ce qu’assène Thénard, Mélenchon, qui n’est déjà pas d’extrême gauche (pour la vraie extrême gauche, il n’est qu’un vil réformiste), ne passe donc en rien à l’extrême droite par simple oubli d’une préposition. Son discours n’est pas « simpliste » : il est clair. Et s’il faut prendre quelque chose « avec des pincettes », désormais, ce n’est certainement pas Mélenchon mais bien plutôt Le Canard enchaîné thénardié.

« Le paradoxe est révélateur de cette dérive qui amène le Franc-Comtois à jouer sur les marges avec un vocabulaire qui emprunte de moins en moins à la gauche. Et de plus en plus ailleurs. Il braconne, Mélenchon. Et il déconne. »

Et voilà comment le palmipède qui nargua naguère de Gaulle et fit bouffer ses diamants à Giscard devient un organe de la propagande solférinienne, qui n’a eu de cesse depuis la candidature de Mélenchon à la présidentielle de le comparer à Lepen. Si critiquer la finance internationale est emprunter au vocabulaire de l’extrême droite, alors il n’y a tout simplement plus de gauche. Ou être de gauche, c’est être d’extrême-droite, donc soyons centristes libéraux. C’est sans doute ce que veut montrer notre canard de garde.

Plus loin, Thénard en remet une couche contre Delapierre, cette fois, accusé lui aussi de déconner avec sa phrase sur les « 17 salopards ». Il faut croire que Thénard, ancien de Libé et ami de Carla Bruni, selon le blog Lucky, n’est pas cinéphile, ou bien qu’il aime rançonner les Chypriotes. Lui qui accuse Mélenchon de « parler con » peut désormais être rangé dans la catégorie des connards enchaînés.

 

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