A l’appel du Front de Gauche, mais aussi d’autres partis, organisations, syndicats et associations, une manifestation unitaire aura lieu le 30 septembre 2012 à Paris (départ 13h30 place de la Nation) contre le TSCG (le traité “Merkozy” qui impose à toute l’Europe l’austérité et la soumission à la finance). Si certaines organisations appellent à manifester simplement “contre” le traité, le Front de Gauche, lui, exige un referendum qui pourrait permettre au peuple, comme en 2005, de se prononcer (le Front de Gauche, dans une telle éventualité, militerait bien évidemment pour le “non”).
Bien que cette manifestation soit l’occasion d’un très large rassemblement de la gauche, certains arguments sont émis ça et là par des camarades sensibles aux sirènes sociales-démocrates ou gauchistes pour en contester le bien fondé ou l’utilité. Il convient d’examiner ces arguments et d’y répondre.
1) Le candidat Hollande avait promis de “renégocier” ce traité. Selon les dirigeants du PS et les ministres du gouvernement Ayrault, il aurait respecté cette promesse, et il n’y aurait donc pas matière à s’opposer à l’adoption du traité par le parlement. Interrogé le 26 août par BFMTV, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et naguère chantre éphémère de la “démondialisation” et du protectionnisme européen, a estimé qu’il est « impossible de voter contre » le traité budgétaire européen qui sera soumis au Parlement en octobre, car il constitue « un progrès considérable » dans « le combat pour la croissance » en Europe. Il a argué notamment de l’ajout d’ « un paquet croissance de 120 milliards d’euros » pour « rééquilibrer les mesures de rétablissement des comptes publics ». Or, même un élu EELV comme Jacques Boutault reconnaît que “François Hollande n’a fait que rajouter, en annexe, un pacte de croissance de 120 milliards d’euros, dont 60 milliards redéployés à partir de fonds déjà votés et 60 autres milliards de nouveaux prêts qui restent à trouver. Mais une annexe n’est pas une renégociation et ne remet pas en cause la logique du traité dont le cœur consiste à renforcer les contraintes budgétaires des Etats en leur interdisant – sous peine d’amende – un déficit structurel supérieur à 0,5% de leur PIB.” Le traité élaboré par Merkel et Sarkozy n’a donc pas le moins du monde été renégocié. Il fait toujours passer les Etats de la zone euro sous la dictature austéritaire de la Commission européenne et de la BCE.
2) Dans ce qui reste de l’aile gauche du PS, des voix s’élèvent malgré tout contre la ratification du TSCG. Ainsi, la sénatrice Marie-Noëlle Linemann a déclaré qu’elle voterait contre. Mais elle n’envisage pas pour autant de participer à la manifestation du 30 septembre, sous prétexte de ne pas “tendre les deux pôles de la gauche, une qui gère et une qui proteste”. En fait, cette déclaration montre bien, ce qui est assez triste, que seule son appartenance au PS empêche Marie-Noëlle Linemann de se joindre à cette manifestation. Car la tension n’est d’ores et déjà plus entre deux pôles de gauche, mais entre un gouvernement de capitulation appliquant l’austérité de droite d’un côté, et de l’autre “la gauche qui proteste”, certes, mais qui est tout à fait prête à “gérer” munie d’un vrai programme de gauche : “L’humain d’abord“. Les militants de l’aile gauche du PS qui n’ont pas encore rallié l’aile droite en échange de postes sont désormais ultra-minoritaires au sein de leur parti, soigneusement verrouillé par Hollande, Ayrault et Aubry. Ils n’ont plus la moindre chance d’y faire valoir une autre ligne que celle qui a valu en Grèce à Papandréou le succès que l’on sait. La seule attitude cohérente pour les membres du PS qui se considèrent encore de gauche est de rejoindre la manifestation unitaire du 30 septembre.
3) En 2005, le peuple français avait voté “non” lors du referendum sur la constitution européenne. Pourtant, les principales clauses de cette constitution sont passées tout de même avec le traité de Lisbonne ratifié sous la présidence de Sarkozy. Du coup, nombre de citoyens se demandent quelle serait l’utilité d’un referendum aujourd’hui, partant du principe qu’un “non” du peuple n’aurait pas plus de chance d’être respecté en 2012 qu’en 2005. Certains même trouvent inutile de manifester pour exiger un referendum car, Hollande étant décidé à faire ratifier le texte par le Parlement (où il dispose de la majorité dans les deux chambres), il n’y aurait aucune chance pour qu’il cède à la pression de la rue. C’est un raisonnement défaitiste qui ne peut pousser qu’à la passivité du peuple, et c’est précisément sur cela que misent le gouvernement, la Commission européenne et les marchés. Le non-respect du vote populaire de 2005 est effectivement un déni de démocratie, ainsi que la casse des retraites en 2010 malgré les milliers de personnes qui ont manifesté pendant des mois pour s’y opposer. Mais c’est justement pourquoi il faut continuer à établir le rapport de force pour obtenir aujourd’hui ou demain ce que nous n’avons pas réussi à obtenir hier. C’est aussi la prise de conscience de ce déni de démocratie qui a permis d’obtenir en 2012 la courte défaite de Sarkozy et la percée des idées défendues par le Front de Gauche dans l’opinion. Il faut enfoncer encore le clou. Même si nous sommes des milliers dans la rue, nous n’obtiendrons peut-être pas satisfaction cette fois-ci, mais nous montrerons notre force et nos idées progresseront encore auprès du peuple au fur et à mesure que l’incapacité de Hollande d’apporter le moindre remède à la crise apparaîtra au grand jour. Et si nous sommes des centaines de milliers puis peut-être des millions, nous deviendrons incontournables et montrerons l’exemple aux autres peuples européens. Si le traité est malgré tout ratifié, il n’aura aucune légitimité et nous n’en serons que mieux fondés à réclamer son abrogation. Si au contraire nous renonçons à nous battre sous prétexte que le combat est perdu d’avance, nous sommes sûrs de réaliser nous-mêmes la prophétie de nos défaites. “Camarades, vous ne savez jamais quel sera le destin d’une lutte, et celui qui la préfigure à l’avance n’est pas des nôtres !” affirmait avec force Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière fête de l’Humanité.
4) D’après certains militants gardiens auto-proclamés de la pureté révolutionnaire, tels ceux de LO, la lutte contre le TSCG serait celle “qui gêne le moins le gouvernement : les premiers visés sont l’Europe et Merkel, et l’attention des travailleurs est ainsi détournée vers un faux combat”. On peut s’étonner que des militants qui se disent internationalistes ne voient pas que le combat contre l’austérité en Europe voulue notamment par les rentiers allemands est un combat pour les travailleurs français mais aussi pour les travailleurs allemands, grecs, italiens, espagnols, portugais, etc. LO, fidèle à sa stratégie de dénigrement systématique du Front de Gauche, ne recule devant aucune falsification pour faire croire que le combat du Front de Gauche n’est pas un combat social, et serait même un combat nationaliste, ce qui est un contre-sens et une calomnie (sans doute destinée à faire l’amalgame entre ce front-là et le FN). Le TSCG est bel et bien un instrument qui permettra une domination renforcée du Capital. Il est de l’intérêt de tous les travailleurs européens de lutter contre. C’est un vrai combat. Et ceux qui, comme LO, croient qu’un tel combat se mène au détriment des autres se comportent en spectateurs passifs d’un inepte zapping politique et social : ils confondent la lutte et leur canapé devant la télé. La manifestation du 30 septembre, contrairement à ce qu’affirme LO, ne se fera pas “au lieu de proposer aux travailleurs des objectifs pour défendre leur emploi et leur salaire”. Lors de la fête de l’Huma, Jean-Luc Mélenchon rappelait encore : “il faut le travail politique de conscientisation, d’élévation du niveau de la conscience, qui ne s’est jamais acquis autrement que par la discussion, le débat, l’éducation politique, et par la lutte, la lutte, la lutte ! Ne rien lâcher, ne rien céder ! Usine par usine, école par école, entreprise par entreprise ! Ne laissez pas une seule usine être vidée de ses machines, ne laissez pas une seule salle de classe être fermée !” Non seulement le TSCG aura bien évidemment des conséquences désastreuses sur l’emploi et les salaires, mais surtout la lutte contre le TSCG n’empêche en rien de lutter sur d’autres fronts, par exemple auprès des salariés de Pétroplus ou de Sodimédical et partout ailleurs dans les entreprises, petites ou grandes, ou dans les services publics ; par exemple en réclamant le vote par le parlement de la loi interdisant les licenciements boursiers déjà proposée en février 2012 au sénat par un sénateur communiste et rejetée de justesse malgré le vote favorable des socialistes qui ont dû oublier depuis qu’ils avaient un jour eu tant d’audace… Les militants du Front de Gauche sont présents aussi dans les mouvements sociaux, à travers leurs syndicats notamment. Manifester contre le traité n’empêche en rien les autres luttes. Ce traité, LO prétend que “c’est un chiffon de papier car aucun gouvernement n’a attendu ce traité pour imposer l’austérité aux travailleurs et ce n’est pas ce traité qui oblige les patrons à licencier, à bloquer les salaires et à aggraver l’exploitation”. Mais ce “chiffon de papier” va pourtant bien permettre aux patrons de continuer leur sale besogne dans un cadre qui leur sera encore plus favorable, et les travailleurs encore plus affaiblis et fragilisés seront les principales victimes de ce coup d’Etat. Une fois encore, LO et ceux qui sont sur la même ligne adoptent la stratégie du pire, attendant que le prolétariat réagisse enfin lorsqu’il n’en pourra vraiment plus. On voit pourtant en Grèce qui profite de la ruine du pays et du désespoir : les néo-nazis.
Le peuple de gauche composé de l’ensemble des travailleurs conscientisés n’a aucun intérêt à la passivité et au pourrissement. Il ne se renforcera qu’au fil des luttes, rassemblant un nombre toujours plus large de participants conscients de leurs intérêts de classe. La manifestation unitaire du 30 septembre contre le TSCG en est une étape.