Les élections municipales de 2014, qui ont été un moment si périlleux pour l’unité du Front de Gauche, ont au contraire été pour moi l’occasion d’approfondir une vraie camaraderie avec les communistes locaux. Ecosocialistes du PG, communistes du PCF et non-encartés du FdG ont eu la chance, chez moi, de mener une liste autonome qui a recueilli 13,12% des voix. Certes, il existe toujours des divergences entre nos partis, et certains camarades du PCF ne cachent guère leurs réticences face aux thèses écosocialistes et aux initiatives prises par Jean-Luc Mélenchon. Il en est même qui semblent supporter difficilement que leur parti se fonde dans un Front plus large et qui regrettent assurément le temps où le PCF constituait seul « ses » listes en les ouvrant généreusement à quelques compagnons de route ou personnalités civiles sans avoir pour autant à traiter avec des partenaires à part entière. Pour autant, aucun de ces camarades n’a entrepris de trahir le Front de Gauche en débinant en pleine campagne pour les élections européennes les listes unitaires ou en diffusant des billets haineux contre le PG sur internet.
C’est néanmoins ce que fait depuis plusieurs semaines un certain Bernard Adrian, troll stalinien qui se présente comme militant communiste dans l’est, et qui abreuve le web et les réseaux antisociaux comme Facebook de pages putassières, mensongères, bêtes et haineuses destinées uniquement à cracher sur ce qu’il appelle « l’imposture écosocialiste » et sur Jean-Luc Mélenchon ou encore Gabriel Amard, le candidat tête de liste du FdG dans la circonscription Est aux européennes. Dans un texte qui condense la plupart des travers de sa bile habituelle, Bernard Adrian reconnaît, certes, le « réel espoir » soulevé par la campagne présidentielle de 2012. Mais il ajoute aussitôt :
« A contrario, la campagne législative qui a suivi – avec la focalisation sur la circonscription d’Hénin-Beaumont – s’est conclue par une réduction du nombre de nos députés. C’est toujours une mauvaise nouvelle pour les travailleurs de notre pays. Moins il y a de députés et sénateurs communistes et apparentés plus on régresse sur le plan social ».
Attribuer les mauvais scores du FdG aux législatives et la réduction du nombre de députés communistes à la focalisation sur Hénin-Beaumont est malhonnête (mais on verra que ce n’est pas l’honnêteté qui étouffe Bernard Adrian). Si bon nombre de députés communistes sortants se sont fait étendre, c’est qu’ils ont dû faire face à la vague rose consécutive à la victoire de Hollande (c’est dans la logique des institutions), à une volonté délibérée de la part du PS (et notamment du « parrain » don Bartolone en Seine Saint-Denis) de ravir des sièges au PCF, et à une absence de campagne nationale du FdG qui était le fruit de la volonté du PCF lui-même (désireux de faire des campagnes locales). Pour Bernard Adrian, les 11% de Mélenchon sont donc à mettre au crédit du PCF (qui avait fait 1,93% des voix 5 ans plus tôt) mais les mauvais scores des candidats communistes aux législatives sont forcément la faute à Mélenchon. Pratique. Mais complètement con. Il faut dire que pour quelqu’un qui conçoit les élus du FdG comme « communistes et apparentés », la loyauté envers des camarades du FdG qui ne se considèrent pas comme de simples satellites ou compagnons de route du PCF doit poser problème.
Bernard Adrian rêve d’un monde où un PCF fidèle à l’URSS noue des alliances cyniques avec les sociaux-démocrates qu’il méprise néanmoins. Devoir faire alliance loyalement, sur un pied d’égalité, avec des partenaires écosocialistes dynamiques, et sortir de la routine de l’alliance tactique avec le PS, ça lui fait perdre ses repères, et surtout ça lui donne des boutons, au Nanard. Du coup, il ne renonce à aucun mensonge pour imputer au PG et aux autres partenaires du FdG, mais surtout au grand méchant Mélenchon, la responsabilité des échecs de la résistance populaire aux contre-réformes libérales.
Par exemple, sombrant dans la plus inepte des théories du complot, il prétend que « la date à laquelle Cahuzac a fait ses aveux n’est probablement pas due au hasard », laissant entendre que celle-ci aurait servi à jeter un écran de fumée sur le vote deux jours plus tard de l’ANI, et affirmant sans rire que la marche pour la 6ème République du 5 mai 2013 (initiée par Mélenchon en réaction au scandale Cahuzac) aurait de même détourné la mobilisation populaire de l’ANI. Bref, Mélenchon aurait ainsi servi les intérêts de Hollande. Tout observateur sain d’esprit aura pourtant bien du mal à imaginer un Hollande se réjouissant du succès d’une manifestation d’opposants et du désastre sans précédent pour son gouvernement de l’affaire Cahuzac.
« Fallait-il embrayer sur une manifestation “coup de balai” avec tout ce que cela comporte comme relents populistes, ou fallait-il mettre toutes nos forces à relayer le courageux et splendide combat – oui, splendide – que menaient NOS députés, puis NOS sénateurs – ceux du Front-de-Gauche – contre la transcription de l’ANI ? C’est le Premier Mai qu’il fallait appeler à manifester. Avec les syndicats et contre la transcription de l’ANI. »
Ne reculant devant aucun mensonge, Bernard Adrian oublie de signaler que le Premier Mai fut l’occasion d’une triste division syndicale, les signataires de l’ANI se donnant rendez-vous à Reims avec leurs très maigres troupes, tandis que les opposants à l’accord made in Medef restaient divisés, FO persistant à faire cortège à part. Il était donc impossible pour le Front de Gauche de décréter contre les syndicats divisés une mobilisation unitaire de masse en ce premier mai 2013. Cela n’a pas empêché Mélenchon et le PG d’être aux côtés de la CGT, de la FSU et de Solidaires ce jour-là, et d’appeler comme toujours militants et sympathisants du FdG à défiler avec leurs syndicats, et à s’opposer à l’ANI, comme ils l’avaient déjà fait le 9 avril 2013. Malheureusement, la division syndicale et le découragement des salariés ne permirent pas d’amorcer un vrai mouvement de lutte contre l’ANI. Nos forces étaient bien faibles, à l’image de celles des deux groupes parlementaires du FdG qui n’avaient aucune chance d’empêcher le gouvernement de faire passer cette loi antisociale.
Quant à la marche du 5 mai, elle avait le mérite de mobiliser sur un thème unitaire, celui de la 6ème république et du nécessaire assainissement de la vie politique après l’affaire Cahuzac. Loin d’être la « faute politique » qu’y voit Bernard Adrian, cette initiative permettait de renouer, après la division syndicale dont Mélenchon n’était en rien responsable, avec l’élan unitaire de la campagne présidentielle de l’année précédente. Bernard Adrian répète aussi les éléments de langage solfériniens sur les prétendus « relents populistes » du « coup de balai », oubliant que la même image du balai avait été utilisée auparavant aussi bien par Lénine que par la SFIO, voire par le très solférinien Moscovici lui-même. On notera avec amusement les majuscules de « NOS » députés et sénateurs par lesquelles le communiste Bernard Adrian veut nous rappeler que les élus FdG sont pour lui avant tout les élus de son parti à lui. Il montre bien ainsi qu’il n’a jamais accepté que le FdG soit autre chose qu’un gadget électoral du seul PCF.
Après l’ANI, il tente aussi de mettre sur le dos de Mélenchon l’échec du mouvement de défense des retraites à l’automne 2013 :
« Au second semestre 2013, le gouvernement Ayrault attaque à nouveau avec le passage aux 43 ans de cotisations. Une semaine avant l’ouverture du débat, celui qui avait été notre candidat à la présidentielle a taclé à la télévision nos députés en prétendant qu’ils votent n’importe comment et que chacun d’eux, au fond, ne représente que lui-même ! Hollande, Ayrault et Touraine ont eu toutes les raisons de se féliciter de cette sortie opportune (pour eux). »
Encore une falsification stalinienne de bas étage. Mélenchon avait à juste titre déploré que les députés et sénateurs du FdG ne soient en rien mandatés pour leurs votes par le FdG ni même par leur parti. C’est un point de vue. Il peut être contesté. Mais il est malhonnête de faire dire à Mélenchon que nos députés « votent n’importe comment ». Il est en outre parfaitement stupide de penser que l’expression de cette divergence sur l’autonomie de vote de nos groupes parlementaires ait pu nuire au débat qui était joué d’avance, dès lors que les élus de la majorité n’entraient pas massivement en dissidence sur ce texte. Et Nanard d’ajouter :
« Des millions de nos concitoyens ont pu constater que le Front de Gauche préférait polémiquer sur les alliances de premier tour aux municipales 2014 plutôt que de mener une large bataille contre les 43 ans de cotisation. Encore une fois, nos parlementaires ont fait un magnifique travail. Encore une fois, nous les avons laissé combattre seuls. Cet épisode pèsera très lourd dans notre crédibilité vis-à-vis des travailleurs. Quarante-trois ans de cotisation, il n’y a pas besoin d’expliquer : chacun comprend immédiatement. Nous avons préféré polémiquer sur des questions politiciennes plutôt que de mobiliser l’opinion en appuyant nos députés et sénateurs. »
Bernard Adrian ment encore en prétendant que nous aurions laissé les parlementaires du FdG combattre seuls. Mélenchon s’est battu avec le reste du FdG, aux côtés des syndicats, notamment en manifestant contre cette nouvelle contre-réforme des retraites. S’il faut trouver une raison à l’insuffisance de la mobilisation syndicale contre ce recul social, cherchons surtout du côté de la stupeur et du découragement : le puissant mouvement pour les retraites de 2010 (avec lequel nous avons inauguré ce blog) n’avait déjà pas réussi à enrayer la destruction de nos conquis sociaux, et l’élection de François Hollande, malgré l’absence singulière de mesure sociale dans son programme électoral, constituait en quelque sorte la revanche de ce mouvement ignoré par Sarkozy ; voir Hollande faire pire que Sarkozy un an après son élection avait de quoi démoraliser le corps social. Les querelles au sein du FdG à propos de la stratégie à adopter lors des municipales n’ont sans doute pas aidé à créer une dynamique unitaire, il est vrai, mais il est ridicule d’en imputer la responsabilité au seul PG. Ce n’est pas le PG qui a programmé un vote des militants sur les alliances de 1er tour si tard dans l’année, en plein mouvement social, et ce n’est pas le PG qui a choisi à ce moment-là si particulier de faire alliance dans certaines villes (dont la capitale) avec le parti qui était justement en train de saborder les retraites. On peut même penser que chaque décision antisociale et de droite de Hollande (TSCG, ANI, retraites, pacte de « responsabilité ») aurait dû pousser l’ensemble du FdG à former immédiatement une vraie opposition de gauche. Au lieu de quoi certains communistes s’obstinaient encore à parler de « changement de cap » et assimilaient le camarade Mélenchon à l’extrême-droite parce qu’il avait osé brandir un balai, lequel n’est pas, comme l’a expliqué Alexis Corbière, un symbole d’extrême-droite, contrairement à ce que laisse entendre Bernard Adrian, ici fidèle perroquet du storytelling solférinien.
Tous ces mensonges de Bernard Adrian visent en fait un ennemi : l’écosocialisme. Tout y passe, sans souci de cohérence, dans son texte inepte et sur sa page Facebook : l’écosocialisme serait réactionnaire, petit-bourgeois, trotskyste, gauchiste, ou n’aurait rien de différent du « socialisme » du PS ; l’écosocialisme serait aussi populiste, d’extrême-droite, antisocial, mystique, préférant les vers de terre aux humains et la bougie au nucléaire. Enfin bref, l’écosocialisme, c’est le mal absolu. J’en viens à me demander s’il ne donne pas aussi mauvaise haleine.
Feu donc sur les écosocialistes et sur le plus connu d’entre eux, Mélenchon, et sur son abominable parti qui a commis « le coup de force que constitue le vote par surprise et à 48% de la motion écosocialiste par le PGE ». Admirons la rhétorique stalinienne digne d’un autre âge. Nanard y développe la notion intéressante de « vote par surprise ». Les délégués du congrès du PGE se réunissent à Madrid, discutent, et votent un amendement écosocialiste : c’est un vote « par surprise ». Les mêmes réélisent, malgré cette fois l’opposition jusqu’au-boutiste du PG, le communiste Pierre Laurent à la tête du PGE : c’est un vote régulier. Un vote est donc un vote s’il satisfait les staliniens comme Nanard. Sinon, c’est un vote « par surprise ». Et Nanard prend soin de préciser qu’il a été obtenu à 48%, des fois que ses lecteurs se diraient que ça fait pas 50% et qu’il y a un truc louche là-dessous (ben oui, avec un vote « par surprise », on est méfiant). Sauf que ces 48% de « oui » constituent bien une majorité face aux 43% de « non ». Des fois, avec la démocratie, ça passe ric-rac, mais c’est comme ça, et une majorité relative reste une majorité. Nombre d’élus communistes ne s’en plaignent d’ailleurs pas, qui furent élus lors de triangulaires avec moins de 50% des voix.
Pas avare de calomnie, Bernard Adrian prétend aussi que des « composantes du FdG » (lire : les méchants écosocialistes) auraient encouragé l’abstention aux municipales. La vérité, c’est qu’ils ont appelé partout à constituer des listes autonomes du FdG au 1er tour et qu’ils ont fait campagne pour toutes les têtes de liste communistes. Ils n’ont pas donné de consigne de vote là où il n’y avait pas de liste FdG au 1er tour, et on peut comprendre que des électeurs aient préféré s’abstenir plutôt que de voter pour la droite, ou pour le PS qui mène une politique de droite. Au 2ème tour, c’est le plus souvent le PS qui a refusé toute idée de fusion technique, au risque de favoriser l’abstention des électeurs du FdG et de faire gagner la droite. Bref, Nanard ment comme un arracheur de dents lorsqu’il a le culot d’affirmer que :
« cette abstention à gauche n’est pas une surprise. Nous, communistes, avons contribué à en faire baisser le niveau. D’autres composantes du FdG l’ont encouragée plus ou moins ouvertement ».
Il n’est d’ailleurs pas démontré que le ralliement des communistes aux listes gouvernementales austéritaires ait contribué en quoi que ce soit à faire baisser l’abstention, notamment lorsque les électeurs de gauche n’avaient plus au 2ème tour (ou parfois dès le 1er tour ) la possibilité de voter pour une liste FdG autonome. Enfin, on peut se demander si Bernard Adrian a vraiment fait baisser l’abstention aux européennes en dénigrant fielleusement Gabriel Amard qui conduisait la liste du FdG pour laquelle Nanard était censé faire campagne.
Selon Bernard Adrian, l’écosocialisme serait un socialisme « très peu social dans le sens où il combat peu pour la promotion politique et économique des travailleurs ». Mais c’est bien sûr tout le contraire, ne serait-ce que parce que l’écosocialisme, non seulement défend tous les conquis sociaux, mais promeut tout particulièrement les coopératives ouvrières et l’économie sociale et solidaire. Il se gausse aussi de la motion écosocialiste du PGE qui proclame : “nous devons parvenir à un compromis nouveau et original entre les classes de travail et les préoccupations pour la planète” et fait mine de croire (ou peut-être le croit-il vraiment, ce qui est encore plus inquiétant) que la planète ainsi évoquée serait pour les écosocialistes une « entité supérieure ». Quand on connaît le côté irréductiblement laïcard du PG (d’ailleurs décrié par certains camarades d’Ensemble), cette idée saugrenue paraît d’un ridicule achevé. On passe un compromis avec la planète comme on passe un compromis avec notre propre corps, par exemple en évitant d’ingérer tel champignon vénéneux quand bien même on l’aurait trouvé appétissant (cela ne signifie pas qu’on se met à négocier avec le champignon comme s’il était doué de raison !). Le compromis avec la planète (ou avec la nature, « corps inorganique de l’homme », pour reprendre l’expression de Marx), ce n’est rien d’autre que la prise en compte des conditions de la survie de l’humanité, et donc la rupture avec le productivisme aveugle du capitalisme (mais aussi de l’ancien modèle soviétique) qui détruit notre écosystème.
Avec une mauvaise foi à faire pâlir de jalousie le plus roué des Jésuites, Bernard Adrian assimile la « frugalité » ou la « simplicité volontaire » évoquées par les anti-productivistes à l’appauvrissement dont souffre « la grande majorité des travailleurs ». En réalité, la critique de la surconsommation ne consiste évidemment pas à demander aux pauvres de se restreindre encore davantage. L’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs est même un moyen de leur permettre de se procurer des denrées issues de circuits courts, produites dans des conditions sociales et écologiques satisfaisantes, alors qu’elles sont bien souvent aujourd’hui accessibles uniquement aux classes aisées.
Pour calomnier l’écosocialisme, Bernard Adrian n’hésite pas non plus à déformer le scenario Negawatt, en faisant croire qu’il s’agit ni plus ni moins que de remplacer les centrales nucléaires par des hydroliennes (la réalité est évidemment légèrement plus complexe), ou de « diviser par deux la consommation de viande et de lait en France ». On voit d’ici le tableau : à cause de ces salauds d’écosocialistes, les prolétaires devraient se priver de viande et de lait ! Sauf que Bernard Adrian se rend ici coupable d’une de ces falsifications grossières dont il a le secret. La lecture non tronquée du paragraphe du scénario Negawatt sur ce sujet montre en effet à quel point Nanard se fout de la gueule du monde :
« L’analyse s’appuie ici sur le scénario Afterres 2050 qui applique la même démarche de sobriété et d’efficacité à toutes les étapes de la chaîne agricole : maîtrise des besoins, réduction des pertes et des gaspillages, recyclage des déchets organiques, etc. Ce scénario est notamment centré sur une évolution de l’alimentation visant un meilleur équilibre nutritionnel et une réduction des surconsommations actuelles de glucides (sucres), de lipides (graisses) et de protéines animales. Le régime alimentaire de 2050 comprend ainsi environ moitié moins de viande qu’aujourd’hui, et aussi moins de lait. Il contient en revanche une part accrue de fruits, de légumes et de céréales.
Ce rééquilibrage a un effet bénéfique aussi sur l’énergie et les surfaces disponibles : l’élevage consomme bien plus de surface et d’énergie que les productions végétales, et nous avons atteint un niveau de consommation de viande qui n’est pas soutenable à l’échelle de la planète. »
Ainsi, il ne s’agit pas d’affamer le populo en le privant de son steak et de son fromage favoris, mais de réduire la surconsommation de lipides, de glucides et de protéines animales (causes, rappelons-le, d’obésité, de maladies cardiovasculaires et de cancers) pour rééquilibrer l’alimentation, avec un effet bénéfique sur la santé mais aussi sur la consommation d’énergie. Mais Nanard, quand on le lui explique au détour d’un commentaire sur Facebook, il répond juste qu’il veut pas que ces salauds d’écosocialistes lui disent quoi bouffer. Derrière la posture communiste du stalinien pur et dur, l’individualisme petit-bourgeois qui ne supporte pas que la collectivité lui impose quoi que ce soit. Le niveau actuel de consommation de viande n’est pas soutenable à l’échelle de la planète ? Nanard s’en fout. Il veut sa bidoche et crever de son mauvais cholestérol tandis que les gueux des pays du sud s’entretuent pour un grain de riz et renoncent à élever leurs poulets pas compétitifs par rapport aux poulets européens élevés en batterie (en attendant les poulets lavés au chlore made in USA).
« Bref, l’écosocialisme n’a évidemment pas grand chose à voir avec le PCF, ni avec le Front-de-Gauche, ni avec le programme “L’Humain d’abord” » assène encore notre Nanard nucléaire, oubliant que ce programme comporte tout un chapitre sur la planification écologique, et que le chapitre intitulé « produire autrement » promet « un plan de transition écologique de l’agriculture en vue de faire de l’agriculture française un modèle d’agriculture de qualité, sans OGM, largement autonome en ressources non renouvelables, relocalisée, participant à la santé publique des consommateurs et contibuant à la lutte contre le réchauffement climatique ». Autant dire que le programme “L’Humain d’abord” a beaucoup à voir avec le scénario Afterres 2050 et avec l’écosocialisme tant décrié par Bernard Adrian. Bref, ce qui n’a pas grand chose à voir avec le PCF, le FdG et son programme, c’est plutôt le productivisme individualiste de Nanard.
Peut-être conscient au fond de lui de la faiblesse de son argumentaire anti-écosocialiste, Bernard Adrian entretient son prurit anti-mélenchonien en faisant référence à une actualité brûlante : l’adoption de la CSG et d’une loi “sur la prévention des licenciements”… par le gouvernement Rocard (oui, c’était il y a un quart de siècle). Le jeune sénateur Mélenchon aurait alors manqué de pugnacité contre ces reculs sociaux, contrairement aux glorieux parlementaires communistes. Et donc ? Donc Mélenchon a bien tort de s’opposer aujourd’hui au PS et l’écosocialisme est réactionnaire. Comment ? Vous ne voyez pas le lien ? Ben disons que Nanard, c’est pas vraiment Descartes. Il a oublié qu’avant « ergo sum« , il y a « cogito« . Alors forcément, il y a des trous dans son raisonnement (si on peut appeler ça comme ça).
Après une séquence nostalgie sur le PCF à l’époque de l’URSS, Bernard Adrian revient enfin à son obsession favorite :
« Les écosocialistes et les sociaux-démocrates ont en commun de diluer la lutte des classes dans les questions environnementales pour les premiers, dans les questions sociétales pour les seconds. Ne semons pas d’illusions en laissant croire que les premiers seraient décidément d’une autre “nature politique” que les seconds. Il est possible que l’écosocialisme ne soit en fait qu’un canot de sauvetage de la social-démocratie. »
Aussi lucide que Staline lorsqu’il décapita son armée à la veille de la seconde guerre mondiale, Nanard se fourre encore la sainte moustache du petit père des peuples dans l’oeil : non, la différence n’est pas « très minime » entre sociaux-démocrates et écosocialistes ; les solfériniens (qui ne sont même plus sociaux-démocrates, en réalité) n’ont plus rien à diluer dans le sociétal puisqu’ils ont totalement abandonné la lutte des classes (« je n’y ai jamais cru » avouait Cahuzac avant sa chute), le sociétal étant lui-même bien léger si l’on considère la capitulation en rase campagne du gouvernement Valls sur la PMA ; quant aux écosocialistes, ils ne diluent en rien la lutte des classes dans les questions environnementales puisqu’ils font du combat écologiste un combat contre le capitalisme prédateur et de l’émancipation des travailleurs un outil de la planification écologique.
Le PCF a bien souvent passé des alliances de circonstance avec le PS, ce qui n’empêchait pas les antagonismes. Avec le PG, il a créé le Front de Gauche : ce n’est pas tout à fait de même nature, et malgré les difficultés rencontrées à l’occasion des municipales 2014, les militants des deux organisations, des autres composantes ainsi que les non-encartés du FdG sont des camarades unis par un même but : la conquête du pouvoir pour mettre en oeuvre la révolution citoyenne et le programme « l’humain d’abord ». Cela ne gomme pas les divergences, et c’est bien le droit de Bernard Adrian de défendre ce qu’il croit être les intérêts de l’appareil communiste. Mais en usant de mensonges, d’amalgames et de calomnies pour nuire à des camarades (et ce même pendant une campagne unitaire), il ne fait qu’attiser la discorde, pousser à la désunion, semer la zizanie. Pourquoi s’en alarmer ? Après tout, ce pitre d’un autre âge ne représente que lui-même, et certainement pas les communistes dans leur ensemble. Pourtant, André Chassaigne, président du groupe FdG à l’Assemblée nationale, ne rate pas une occasion de critiquer publiquement les initiatives de Mélenchon et de contester l’idée d’opposition de gauche portée par le PG. D’autres responsables du PCF ont publié également des tribunes allant dans le même sens, et il est à craindre que la décomposition révélée par les élections européennes ne touche également le FdG, déjà affaibli depuis plusieurs mois par des forces centrifuges (l’hystérie anticommuniste des uns n’étant il est vrai pas en reste face aux poussées de fièvre antimélenchonienne des autres). A ce titre le discours grotesque et malhonnête du plus con des staliniens pronucléaires de France est un symptôme inquiétant d’un mal réel. Plus que jamais, il nous faut faire de la politique autrement : communistes, écosocialistes ou simplement militants de gauche, nous devons faire vivre malgré les divergences inévitables et les logiques d’appareil la camaraderie et la loyauté que se doivent des compagnons de résistance et de lutte.