Branco ne manque pas d’huppé air

Depuis plusieurs jours, Juan Branco se répand sur les réseaux antisociaux en attaques extrêmement violentes contre François Ruffin. Exhibant un montage présenté comme une “exclu” (en fait une version tronquée d’un reportage de Radio Nova datant de 2016), il assène que François Ruffin se serait entendu avec Emmanuel Macron sur le dos de salariés, aurait mis en scène une fausse opposition et aurait simulé des sentiments. “Trahison !”, s’étrangle Branco, “la boule au ventre”, montrant au passage que pour ce qui est de surjouer des sentiments, il n’a peut-être rien à apprendre de personne.


En réalité, Ruffin n’a rien mis en scène et n’a trompé personne. Comme il l’explique dans un post Facebook (qui confirme des faits déjà rapportés par d’autres sources et par le reportage de Nova à l’époque-même des faits), lui et les salariés d’Ecopla ont harcelé Macron tant qu’il était ministre, puis sont montés à Paris pour essayer de médiatiser la lutte, dans le but de mobiliser l’opinion publique et les politiques afin que : “en gros, le tribunal de commerce voie qu’il y a un consensus quasiment national dans les différents partis, avec les différents candidats, y compris les différents syndicats et même le gouvernement pour dire que le meilleur dossier c’est celui d’Ecopla”. En effet, alerté par sa soeur, dirigeante d’une union locale de SCOP, Ruffin soutenait face à un tribunal de commerce rétif un projet de reprise en coopérative. La stratégie de Ruffin, élaborée avec les salariés, et clairement expliquée à Nova, supposait donc une campagne médiatique et politique large, pour obtenir que des politiciens de tous bords et le gouvernement lui-même finissent par soutenir le projet et que le tribunal de commerce finisse par trancher en faveur de celui-ci.
Ruffin et les Ecopla ont donc fait la fête de l’Huma, ont eu un rendez-vous au ministère à Bercy et sont allés emmerder plusieurs candidats à la présidentielle pour attirer l’attention sur leur cause. Entre Montebourg, Juppé et Sarkozy, ils sont tombés sur Macron, l’ont engueulé (aucune mise en scène là-dedans, comme en témoigne le reportage intégral de Nova) et ont obtenu de celui-ci qu’il reconnaisse qu’il n’avait rien fait pour sauver la boîte. C’est alors que, comme ça se fait souvent dans les luttes (mais Branco qui n’a peut-être pas mené beaucoup de luttes sociales dans sa vie l’ignore sans doute), Ruffin offre une porte de sortie à la fois honorable pour Macron et avantageuse pour les salariés en lui proposant une stratégie en plusieurs étapes : d’abord il y a la prise de contact en cours et les salariés ressortent “pas contents” (avec son ironie coutumière, Ruffin ne fait que décrire une réalité : lui et les salariés ne sont effectivement pas contents, mais au lieu de l’exprimer au premier degré, il se met comme dans ses films “à la place de” et l’exprime de la façon dont les médias et le public, qu’il s’agit bien de sensibiliser, pourront le percevoir), ensuite Macron s’occupe du dossier (c’est-à-dire fait jouer ses réseaux d’ex-ministre au sein de l’Etat), puis on se revoit et Macron rend compte de ce qu’il aura fait. Macron fait mine d’accepter le plan de route, sans prendre pour autant aucun engagement ferme.
Le soir-même, Ruffin et les Ecopla vont quand-même faire chier Macron devant son meeting (ce n’est pas de la mise en scène : ils continuent à lui foutre la pression et à essayer de faire connaître leur lutte). Deux mois plus tard, Ruffin étrille encore Macron dans Fakir, dans un dossier sur Ecopla.
Malheureusement, le projet de SCOP qu’il défendait n’aboutit pas, et après une tentative de partenariat avec un repreneur, les salariés jettent l’éponge en mars 2017.
La scène avec Macron n’aura été qu’un épisode parmi plein d’autres dans cette longue lutte, et aura juste servi un peu à la faire connaître.
Macron n’en a tiré aucun bénéfice électoral, Ruffin non plus (il était candidat en Picardie et Ecopla est en Isère). Le projet a échoué mais méritait d’être soutenu : le précédent des Fralib permettait d’espérer un meilleur dénouement que celui des Whirlpool.

Ajoutons que les premiers concernés semblent reconnaissants envers Ruffin, encore 3 ans après, et malgré l’échec.

Alors, quelle mouche a piqué Branco ? Pourquoi repeindre ainsi Ruffin en traitre manipulateur et simulateur ? Pourquoi tant de haine ? Mystère.
Purisme gauchiste de grand bourgeois converti au romantisme révolutionnaire mais totalement ignorant de la réalité des luttes syndicales ?
Complètement bloqué dans son délire, Branco s’enfonce post après post, vidéo après vidéo, malgré les commentaires le plus souvent navrés des internautes. Il va même jusqu’à prétendre que la récente confrontation entre Ruffin et Macron à Amiens devant les ex-salariés de Whirlpool serait du “chiqué”, et aurait été “négociée”, ce qui est une accusation à la fois gratuite et idiote : bien évidemment, Ruffin, député local, ne surgit pas par surprise devant le président ; l’événement a été organisé, et chacun essaie d’y faire valoir son point de vue. Cela ne signifie nullement que leur opposition soit feinte.
Dans un “Facebook live” du 28 novembre 2019, Branco va même jusqu’à insinuer que Ruffin tairait le rôle qu’a joué sa soeur dans l’histoire d’Ecopla. J’ai été intrigué par ce détail : que voulait suggérer Branco et qu’y a-t-il de gênant à ce que la soeur de Ruffin se soit impliquée dans le dossier Ecopla ? Après une petite recherche sur internet, j’ai trouvé qu’une vidéo postée le 15 novembre 2018 par un compte baptisé “Le Frexit” avait déjà soulevé beaucoup de sous-entendus au sujet de la soeur de Ruffin.

On notera avec amusement la contradiction dans ce délire à la tonalité complotiste : Ruffin cacherait cette mystérieuse soeur qui a été camarade de classe de Macron à Amiens et qui dirige une SCOP, mais la vidéo s’appuie sur des sources qui montrent en fait que l’existence de cette soeur et son parcours sont de notoriété publique et que Ruffin n’a jamais rien caché à ce sujet. On sourira aussi au fait que la vidéo qui ne s’appuie que sur des articles et documents déjà publics est présentée comme un “scoop exclusif”, un peu comme le pauvre montage faisandé de Branco présenté comme une “exclu”.
Quant au compte Youtube diffuseur de ce “scoop exclusif”, “Le Frexit”, il se défend d’être lié à l’UPR, le groupuscule nationaliste dont le frexit est le fétiche suprême, mais semble tout de même publier, outre des attaques contre Ruffin, moult éloges d’Asselineau, le gourou de l’UPR.

La vidéo de Branco, de son côté, a été copiée et mise en ligne telle quelle (avec un titre encore plus mensonger) dès le 26 novembre 2019 (le même jour que la première diffusion sur le compte Youtube de Branco) par un compte Youtube baptisé “Collège européen”, dont l’orientation laisse peu de place au doute.

Coïncidence ? 😎

Bon, comme on n’est pas aussi barré que Branco, on n’ira pas jusqu’à chouiner, “la boule au ventre”, qu’il n’est devenu qu’un gros troll de l’UPR, mais on ne peut que constater qu’il en a adopté le style. A tout prendre, malgré de récurrentes erreurs qu’il a d’ailleurs le mérite de reconnaître (celle-ci ou celle-ci, par exemple), et malgré un sens du spectacle et une personnalisation qui peuvent avoir leurs limites, on lui préférera le style Ruffin, moins huppé, plus sincère, et plus utile dans nos luttes.

De l’antisémitisme au Front de Gauche ? Résistons aux amalgames en balayant aussi devant notre porte.

Je souscris entièrement au contenu du communiqué fait par Eric Coquerel au nom du PG le 17 février 2015 :

Depuis des semaines à partir de l’étude bidon de sa propre fondation, Dominique Reynié peut à loisir diffuser sa propagande sur les médias. Elle consiste à ranger le FDG comme l’un des trois principaux foyers de l’antisémitisme en France. Ce matin, il a pu égrener ses amalgames insultants sur la plus grande matinale radio du pays, celle de France Inter. Non content de s’attaquer aux citoyens qui se réclament du FDG, il s’en est pris cette fois personnellement à Jean-Luc Mélenchon au prétexte d’une critique de Pierre Moscovici en tant que ministre des finances en 2013. Tous ceux qui connaissent l’engagement constant de notre parti et de Jean-Luc Mélenchon contre toute forme d’antisémitisme n’ont pas dû en croire leurs oreilles. Mais ça suffit ! Nous demandons officiellement à France Inter un droit de réponse à la même heure et d’une durée équivalente. Nous allons également étudier les conditions pour porter plainte pour diffamation à l’encontre de Dominique Reynié.

Parmi les amalgames les plus malhonnêtes de Reynié, on peut citer la référence aux propos de Jean-Luc Mélenchon à l’encontre de Pierre Moscovici, accusé de penser dans “la langue de la finance internationale” au moment où celui-ci s’était conduit en véritable “salopard” (pour reprendre le terme de François Delapierre) à l’égard du peuple chypriote. En laissant entendre que la dénonciation de la finance internationale  — qui impose dans sa langue froide et absconse (le globish) des politiques austéritaires inhumaines à des peuples privés de leur souveraineté par l’UE, la BCE et le FMI — relèverait de l’antisémitisme, c’est bien Reynié lui-même, à la suite de médiacrates et de solfériniens déjà ridiculisés à l’époque, qui procède à un amalgame implicite entre “finance internationale” et “juifs”, ce que ni Mélenchon ni Delapierre n’ont évidemment jamais fait.

Toutefois, aussi crapuleux le procédé soit-il, il ne faudrait pas que, sous prétexte que c’est l’idiot qui montre ici la lune, le sage se contente de regarder le doigt. Car notre Front de Gauche, malgré les beaux mots d’ordre “l’humain d’abord” et “résistance”, ou la stratégie “front contre front” (plus que jamais d’actualité), n’a peut-être pas fait suffisamment d’efforts de vigilance ces dernières années pour n’offrir aucun prétexte à des falsificateurs comme Reynié. Je ne parle pas ici des propos (auxquels je ne vois rien à reprocher) des porte-parole du FdG dans les grands médias, mais de ce qui se passe sur les réseaux sociaux, le plus connu d’entre eux étant Facebook, que 27,2 millions de français consulteraient chaque mois d’après l’institut Médiamétrie. Il ne s’agit donc pas d’un support anecdotique.

Nombre de militants ou sympathisants du FdG ou des différentes organisations qui le composent, ainsi que du Mouvement pour la 6e République, échangent en effet informations, commentaires et liens hypertextes sur leurs pages personnelles mais aussi dans des “groupes” sur Facebook. S’il existe des comptes officiels des dirigeants et des organisations, il n’existe pas à ma connaissance de “groupe” officiel du FdG. Mais quantité de groupes, privés ou publics s’en réclament, créés et administrés par des bénévoles, indépendamment de tout contrôle des organisations. Cette spontanéité correspond bien à la fois à l’interactivité du web 2.0 et à la fameuse consigne “n’attendez pas les consignes” chère à Jean-Luc Mélenchon. Elle n’est pas toutefois sans poser des problèmes sur lesquels nous, simples militants comme responsables politiques, devrions nous pencher urgemment.

En effet, nous ne sommes pas les premiers à nous emparer du “cyberespace” à des fins politiques. Nous avons même une sérieuse longueur de retard face à nos ennemis d’extrême-droite — je devrais dire des extrêmes-droites, tant celles-ci ont réussi à se diversifier de façon protéiforme et à se fondre dans le dédale décentralisé des réseaux. Avec profusion de sites et blogs confusionnistes, camouflant leur vraie nature sous les masques de la “dissidence” ou de la “ré-information”, maîtrisant depuis longtemps les techniques de communication virale, nos ennemis ont su construire leur hégémonie culturelle dans le monde du web 2.0, au service de leurs thèses anti-démocratiques, conspirationnistes, racistes et antisémites. Si bien que certains de nos propres camarades se sont mis parfois à relayer des liens ou des “infos” en provenance de ces sites et à se faire eux-mêmes les propagandistes des idées qu’ils étaient censés combattre. C’est ainsi que de nombreux groupes Facebook de sympathisants du FdG se sont retrouvés peu à peu envahis par la propagande en faveur de régimes autoritaires, de théories du complot (de “l’américano-sioniste” au “judéo-maçonnique”), ou de thèses nationalistes. Rompus à la technique du troll, des militants d’organisations fascistes ou d’ultra-droite comme Egalité & Réconciliation ou l’UPR n’ont pas manqué d’infiltrer ces groupes. Face à cette offensive, la contre-argumentation ne suffit pas toujours (vite noyée dans le flood généré par les trolls) et, sans modération faite par des administrateurs vigilants, un groupe Facebook peut rapidement se transformer en vitrine du fascisme le plus abject, n’apportant que confusion à nos sympathisants et donnant de nous une image déplorable, ce que ne manqueront pas d’utiliser les malveillants comme ce Dominique Reynié. Or, cette vigilance nécessaire ne dépend sur ce type de support que du bon vouloir des administrateurs. Lorsque ceux-ci sont militants d’organisations structurées, telles le PG ou le PCF, les instances ont la possibilité de prendre des mesures (c’est ainsi que le PG avait par exemple demandé des comptes à René Balme, qui avait finalement démissionné lorsqu’il lui avait été signifié que sa complaisance envers des textes conspirationnistes et antisémites sur le site qu’il dirigeait n’était pas admissible). Mais cela devient compliqué lorsqu’il s’agit de simples sympathisants du FdG ou du m6r, n’ayant à rendre compte à aucune instance de leurs actes et de leur cohérence. C’est bien là notre faiblesse.

Je voudrais soumettre ici un cas d’école, celui du groupe Facebook intitulé “Front de Gauche : le portail militant“. Il s’agit d’un groupe privé, accessible donc uniquement aux abonnés acceptés par l’administrateur. On pourrait songer du coup que celui-ci y accueille essentiellement des militants désireux d’échanger entre eux des informations et de mener par exemple des débats internes sur la stratégie du FdG et de ses composantes. On retrouve d’ailleurs parmi les membres inscrits nombre de personnalités, notamment du Parti de Gauche (qui ont pu être “invitées” sans l’avoir désiré). Ce groupe compte actuellement 3605 membres, ce qui est loin d’être négligeable lorsqu’on songe à la faiblesse des effectifs militants de nos organisations. Or ce groupe ne comporte qu’un unique administrateur (le fondateur), là où l’usage, sur des groupes équivalents, est plutôt d’effectuer une modération collégiale. Cet administrateur n’est donc pas humainement en mesure d’exercer la vigilance requise. Et force est de constater qu’il ne le veut pas non plus. Nombre de trolls ou de naïfs relaient en effet sur ce groupe très régulièrement des liens vers des sites conspirationnistes, fascistes ou même franchement antisémites, et tiennent des propos favorables à l’UPR, à Soral, à Dieudonné… Face aux critiques, ils usent le plus souvent de la possibilité offerte par Facebook de “bloquer” une personne : ils deviennent alors invisibles à leurs contradicteurs, mais pas aux autres abonnés, ce qui leur permet de continuer à diffuser tranquillement leur poison auprès de ceux qui n’ont pas eu l’audace, la présence d’esprit ou le temps de s’indigner.

Avec quelques camarades, nous avons à plusieurs reprises signalé le problème à l’administrateur, qui n’a rien fait. Nous avons pris la peine de lui expliquer quel tort cela pouvait causer au FdG, l’intitulé du groupe pouvant laisser entendre que des contenus extrémistes, dont certains à caractère antisémites, étaient cautionnés par le FdG. Nous lui avons suggéré de nommer des modérateurs à sa convenance pour l’aider à déloger les trolls et à effacer les publications inadmissibles, ou bien de changer le nom de son groupe, par exemple en “Discussions autour du FdG” afin qu’il ne puisse plus passer pour un “portail militant”. Rien n’y a fait. Il faut dire que ce monsieur a créé une centaine de groupes sur Facebook, dont plusieurs sur les thématiques proches du FdG, mais dans un but pour le moins éloigné de nos idées : il théorise dans divers écrits et vidéos sur ce qu’il nomme le “Socialisme philia-informationnel” et “l’Humanité Universelle grâce aux technologies numériques”, et nous a affirmé par exemple que “ce n’est qu’un échantillon car le projet que je veux faire c’est un milliard de fois mes petits cent groupes, (…) j’ai des milliards de rêves pour chaque point que constitue l’espace et le temps”, et “vous voyez le FDG dont je me sens le plus proche est loin très très loin de ce qu’il faudrait faire pour passer de l’Histoire à la Poshistoire”. Il évolue donc visiblement dans des sphères plus éthérées que les nôtres, ce qui explique peut-être son incapacité à comprendre nos préoccupations relevant plutôt du matérialisme dialectique. Non seulement, il a opposé une fin de non-recevoir à nos demandes, mais plutôt que d’exclure du groupe “Front de Gauche : le portail militant” les trolls de l’UPR, du Bloc identitaire, des Gentils Virus ou de de la mouvance Dieudonné/Soral, il a exclu les uns après les autres les militants du Front de Gauche qui lui demandaient de faire son travail de modérateur. L’appellation de ce groupe constitue donc une usurpation préjudiciable au Front de Gauche dans son ensemble et aux organisations qui le composent.

Je demande donc instamment à nos instances de prêter attention aux alertes qui ont déjà été envoyées et de réagir par tous les moyens pour faire cesser cette imposture (l’appellation et le logo “Front de Gauche” ayant été déposés, un particulier ne peut en faire n’importe quel usage). J’engage vivement mes camarades du Front de Gauche (PG, PCF, Ensemble, PCOF, R&S, GU) et du m6r, ainsi que les autres organisations de gauche à exercer une vigilance constante contre les dérives confusionnistes et les tentatives d’infiltration en provenance de l’extrême-droite. Face aux amalgames honteux des médiacrates et des solfériniens, nous devons nous assurer d’être irréprochables partout où nous assurons une présence militante, y compris sur internet.

NB : je tiens à la disposition de qui veut copie des échanges de messages avec l’administrateur du groupe “Front de Gauche : le portail militant” et des captures d’écran des publications incriminées.

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