Spectacle

« Je pense que nous assistons aujourd’hui à un nouvel épisode dans la lutte déjà ancienne que se livrent les politiciens et les journalistes pour apparaître comme les véritables représentants du peuple. En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être “récupérés” par les syndicats et les partis, les chaînes d’information en continu ont mené leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. Le fait que des journalistes aient endossé publiquement un gilet jaune avant la manifestation du 17 novembre illustre bien cette stratégie ; laquelle a été confirmée par les propos entendus sur les chaînes d’information en continu présentant ce conflit social comme un “mouvement inédit de la majorité silencieuse”. Nous avons là une illustration parfaite du rôle que jouent les médias audiovisuels dans la “démocratie du public” (…).

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Lutte

« (…) Même quand une lutte populaire est vaincue, il en reste toujours quelque chose. Les aspirations à la démocratie directe ont souvent été relayées par les élites et traduites dans des dispositifs compatibles avec les principes de la démocratie représentative. Le meilleur exemple est celui de la Révolution française qui aboutira au renversement de la monarchie par la République. Mais on peut évoquer aussi le suffrage universel masculin qui a été adopté par le gouvernement provisoire au lendemain de la révolution de février 1848. Plus près de nous, pour répondre aux aspirations “autogestionnaires” apparues lors du mouvement de mai-juin 1968, le général de Gaulle avait proposé de fusionner le Conseil économique et social et le Sénat au sein d’une nouvelle assemblée consultative, mais les Français, consultés par référendum, répondirent par la négative, ce qui conduisit à la démission du Général. »

Gérard Noiriel, Les Gilets jaunes à la lumière de l’histoire,
dialogue avec Nocilas Truong, Le Monde / Editions de l’Aube, 2019

Vote

« (…) On consent individuellement à l’autorité même si on n’est pas d’accord. Il en est ainsi parce qu’on pense la décision légitime. Et elle est légitime parce qu’elle résulte d’une décision collective, qui est prise par un vote. »

Jean-Luc Mélenchon, De la Vertu, Editions de l’observatoire, 2017, page 8

Démocratie du public

« Les journées d’action du 17 et du 24 novembre ont été suivies par les chaînes d’information en continu dès leur commencement, minute par minute, “en direct” (terme qui est devenu désormais un équivalent de communication à distance d’événements en train de se produire). le samedi 24 novembre au matin, les journalistes étaient plus nombreux que les Gilets jeunes sur les Champs-Elysées. Si l’on compare avec les journées d’action des cheminots du printemps dernier, on voit immédiatement la différence. Aucune d’entre elles n’a été suivie de façon continue et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes, alors qu’on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.

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Aménité

« […] La stratégie et les moyens mis en œuvre par la FI aujourd’hui au mieux passent à côté des enjeux, au pire desservent les fins. Dans les deux cas elles me semblent en-deçà de l’exigence écosocialiste. Les “ signifiants vides ” du populisme et de la stratégie anti-Macron, visant à fédérer le plus largement possible, étouffent trop souvent la radicalité du projet initial. Les affaires internes et le commentaire systématique de l’actualité me semblent de plus en plus hors-sol. Les réactions auto-centrées nous coupent les ailes. J’ai toujours plaidé pour l’alliance d’une aménité de ton et d’une radicalité de fond, je vois l’opposé. La critique interne, même bienveillante, est vécue comme une attaque, le pas de côté comme une trahison. »

Corinne Morel-Darleux, « Pourquoi quittez-vous la direction du Parti de Gauche ?« ,
Reporterre, 27 novembre 2018

Ecosocialisme

« Répartition des richesses, souveraineté populaire, bifurcation écologique : nous devons tenir ces trois axes. (…) L’écosocialisme fournit un liant cohérent à ces trois axes. En lien avec les alternatives concrètes, il identifie les prémisses du futur dans le présent. Il permet de fédérer des cultures politiques différentes, du marxisme à l’écologie anticapitaliste en passant par les libertaires et l’autogestion. Il fournit la passerelle allant du NPA à Europe Ecologie, de Notre Dame des Landes à la CGT, en passant par Alternatiba et les collectifs anti-Tafta, sans rien renier de nos combats. »

Corinne Morel-Darleux, Réflexions post-européennes en 7 citations.
Aménité et radicalité, croiser le fer et le velours pour une gauche réinventée, 2014

Tyran

« Se réjouir du coming out monarchiste d’Emmanuel Macron, c’était, comme à chaque moment de Restauration et de contre-révolution de l’histoire de France, applaudir à l’affichage idéologique d’un tyran.
Je n’écris pas “tyran” à la légère.
Le mot nous vient du grec Τύραννος (turannos) qui désigne, dans l’Antiquité, un homme abusant d’un pouvoir absolu, selon Aristote entre autres. Le tyran, sans abolir les lois, se place au-dessus d’elles. Et, aujourd’hui les transgresse — notamment dans le domaine du maintien de l’ordre.

Aristote (Les Politiques), encore, observe que la plupart des tyrans sont issus des démagogues et que “la tyrannie cumule les vices de la démocratie et ceux de l’oligarchie”, du fait de l’amour du roi pour les richesses et de son hostilité à l’égard du peuple qu’il désarme et asservit. la genèse de la tyrannie se trouve dans la corruption des constitutions politiques et, surtout, dans l’exaspération des conflits entre riches et pauvres, minorité et majorité, parce que le législateur n’institue plus le juste équilibre entre les uns et les autres. Pour le tyran, il existe deux façons de maintenir le régime : d’une part, il doit renforcer la répression de toute contestation, en développant le contrôle de la police sur les citoyens ; d’autre part, en utilisant la corruption et en appauvrissant son peuple, afin que “les sujets, occupés à gagner leur vie de chaque jour, ne trouvent pas le temps de conspirer”. Toute ressemblance…

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Coming out monarchiste

« Un épisode peu connu du début de son règne nous le raconte de façon cryptée. Le 5 avril 2018, Emmanuel Macron s’est offert une visite nocturne de la basilique des rois de France, à Saint-Denis […]. Le chef de l’Etat s’est alors attardé sur les sépultures des rois Dagobert, premier monarque à être enterré là, François Ier et Henri II.

[…] La basilique royale de Saint-Denis recèle encore d’autres mystères présidentiels.
Elle est effectivement au coeur des activités de lobbying de l’obscure association “Pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons”. […]
Or, le 20 avril 2018, quelques jours à peine après la visite nocturne d’Emmanuel Macron aux gisants, l’association publiait ce communiqué intriguant : “L’association ‘Pour le retour à Saint-Denis de Charles X et des derniers Bourbons’ a le plaisir d’informer ses nombreux soutiens et sympathisants qu’elle vient d’adresser un dossier complet, conjointement au président de la République, M.Emmanuel Macron, et à M. Sylvain Fort, son conseiller chargé des discours et de la mémoire, suite à la demande formulée par celui-ci, lors de son entretien du 10 janvier dernier avec le président d’honneur de l’association, Philippe Delorme. […] L’association vous informe également qu’une demande officielle de restitution du coeur du dernier roi de France devrait pouvoir être prochainement soumise au gouvernement de la République de Slovénie et au couvent de Kostanjevica. […]”

Diagnostiquant le bonapartisme d’Emmanuel Macron, Laurent Mauduit, cofondateur de Mediapart, a lui aussi fait le rapprochement entre l’actuel président de la République et Charles X, pointant du stylo le recours antidémocratique aux ordonnances, aux décrets, aux votes express, sans débat, de la majorité LaREM à l’Assemblée nationale. […]

La cause est entendue : Emmanuel Macron aime invoquer la mémoire des rois de France, se servant par trois fois en un an du château de Versailles, pour recevoir Vladimir Poutine, s’exprimer devant le Congrès ou y organiser le sommet “Choose France” en présence d’une foule de patrons de multinationales, de même qu’il a rétabli le domaine et le château de Chambord (Loir-et-Cher) comme outil diplomatique du rayonnement de la France, chasses présidentielles à la clé.

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Corruption

« L’affairisme du chef de l’Etat et sa tolérance à la corruption sont précisément révélés par l’enquête au long cours de Mediapart sur Alexandre Benalla, entre autres […]. Je souhaite juste ajouter cette confidence d’Aleph : “Benalla est ‘en main’ des services de renseignement français, plus précisément d’une sous-direction de l’un des plus puissants parmi ceux-ci, sous-direction qui est l’interface de l’Etat avec l’univers du renseignement privé, des ventes d’armes, des trafics stratégiques…” »

Antoine Peillon, Coeur de boxeur, Les liens qui libèrent, 2019

rEvolution

« Sous la grande forteresse qu’ont bâtie les héritiers de la Rome césarienne et papale, le sol est miné partout, et partout on attend l’explosion. […] Nos ennemis savent qu’ils poursuivent une oeuvre funeste et nous savons que la nôtre est bonne ; ils se détestent et nous nous entr’aimons ; ils cherchent à faire rebrousser l’histoire et nous marchons avec elle. […] Plus les travailleurs, qui sont le nombre, auront conscience de leur force, et plus les révolutions seront faciles et pacifiques. Finalement, toute opposition devra céder et même céder sans lutte. Le jour viendra où l’Evolution et la Révolution, se succédant immédiatement, du désir au fait, de l’idée à la réalisation, se confondront en un seul et même phénomène. C’est ainsi que fonctionne la vie dans un organisme sain, celui d’un homme ou celui d’un monde. »

Elysée Reclus, Evolution et Révolution, 1880

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