« Se réjouir du coming out monarchiste d’Emmanuel Macron, c’était, comme à chaque moment de Restauration et de contre-révolution de l’histoire de France, applaudir à l’affichage idéologique d’un tyran.
Je n’écris pas “tyran” à la légère.
Le mot nous vient du grec Τύραννος (turannos) qui désigne, dans l’Antiquité, un homme abusant d’un pouvoir absolu, selon Aristote entre autres. Le tyran, sans abolir les lois, se place au-dessus d’elles. Et, aujourd’hui les transgresse — notamment dans le domaine du maintien de l’ordre.
Aristote (Les Politiques), encore, observe que la plupart des tyrans sont issus des démagogues et que “la tyrannie cumule les vices de la démocratie et ceux de l’oligarchie”, du fait de l’amour du roi pour les richesses et de son hostilité à l’égard du peuple qu’il désarme et asservit. la genèse de la tyrannie se trouve dans la corruption des constitutions politiques et, surtout, dans l’exaspération des conflits entre riches et pauvres, minorité et majorité, parce que le législateur n’institue plus le juste équilibre entre les uns et les autres. Pour le tyran, il existe deux façons de maintenir le régime : d’une part, il doit renforcer la répression de toute contestation, en développant le contrôle de la police sur les citoyens ; d’autre part, en utilisant la corruption et en appauvrissant son peuple, afin que “les sujets, occupés à gagner leur vie de chaque jour, ne trouvent pas le temps de conspirer”. Toute ressemblance…
De façon plus actuelle, les philosophes Walter Benjamin et Giorgio Agamben ont démasqué la tyrannie sous l’état d’exception qui s’impose à nous depuis 2015 et qui a été institué dans le droit commun par Emmanuel Macron.
De fait, en à peine deux ans de règne, Emmanuel Macron s’est attaqué à tous les contre-pouvoirs censés contrôler et contenir, en république, la puissance de l’exécutif. Le haut fonctionnaire Olivier Sanchez a fait la revue détaillée de ce coup d’Etat d’une rare brutalité : “Volonté de maîtriser la presse, réduction du temps d’examen des projets de loi par les parlementaires, recours accru aux ordonnances, projet de réduction du nombre de parlementaires, voire de suppression du Sénat, interdiction des dissensions au sein du parti majoritaire, mépris des élus locaux, nominations politiques au Conseil constitutionnel, ingérences dans le fonctionnement des autorités administratives indépendantes, projet de réforme qui supprimerait inévitablement l’indépendance des magistrats de la Cour des comptes, politisation des directeurs d’administration centrale et recours accru au contrat dans la haute fonction publique, instrumentalisation du parquet de Paris, pérennisation de l’état d’urgence, répression des manifestants et restrictions législatives au droit de manifester…” Avant de commenter : “Le mépris de l’exécutif macronien à l’égard de tous les contre-pouvoirs fragilise dangereusement la République”. »
Antoine Peillon, Coeur de boxeur, Les liens qui libèrent, 2019