Selon la quasi-totalité de l’ex-presse, la mobilisation du 28 octobre pour la défense des retraites a été en très « nette baisse ». Moins de manifestants, moins de grévistes, moins de perturbations, moins de blocages, et même un soutien de l’opinion publique en recul : « selon un sondage CSA publié par Le Parisien, 65% des Français soutiennent cette nouvelle journée d’actions, ce qui représente une baisse de six points par rapport à la précédente mobilisation nationale », assène par exemple le site de l’ex-chaîne de service public France 2. »
« 65% des Français », c’est pourtant une large majorité, de celles dont rêveraient bien des hommes politiques pauvrement élus, tel ce petit président de l’ex-République qui n’obtint misérablement que 53% des suffrages exprimés en 2007 (ce qui représente d’ailleurs moins de la moitié du corps électoral, si l’on prend en compte l’abstention). Mais France 2, dont le patron doit désormais directement son poste à Sarkozy, préfère insister naturellement sur la « baisse de 6 points ».
Sur le site du Parisien (ex-Parisien libéré, qui a raccourci son nom en 1986, probablement par désir inconscient de révéler enfin sa vraie nature), on a droit à la même rengaine, avec en prime un beau communiqué d’Hortefeux (ce ministre condamné en première instance à 750 € d’amende pour injures raciales en juin 2010) :
Quelque 560 000 personnes ont manifesté en France, selon le ministère de l’Intérieur. Il s’agit, selon la place Beauvau, de «la plus faible participation depuis le début des journées de mobilisation en juin».
Ainsi donc le mouvement s’essouffle, la mobilisation s’affaiblit : voilà ce que le gouvernement de l’ex-République et l’ex-presse à l’unisson veulent retenir de cette journée. Sauf qu’à y regarder de plus près, si la mobilisation est « la plus faible » depuis « juin », cela indique justement que le mouvement dure depuis juin ! N’est-ce pas extraordinaire ? A-t-on souvent vu dans l’histoire de France un mouvement social durer tant de mois ? Et 560000 personnes (selon la police) pour la septième journée d’action nationale depuis septembre, ce n’est tout de même pas rien ! En pleines vacances de la Toussaint ! Alors que les salariés ont déjà été éreintés par les manifs et ruinés par les jours de grève ! En plein marasme économique ! 560000 personnes (selon la police) dans les rues malgré le désespoir instillé chaque jour par les media aux ordres de la MAFIA politico-financière ! Malgré les violences policières et les intimidations ! Malgré les difficultés d’approvisionnement en essence (difficultés niées contre toute évidence par l’ex-futur premier ministre Borloo, comme le révélait le Canard enchaîné du 27 octobre) ! Malgré les tentatives de défection de certaines centrales syndicales toujours plus pressées de trouver une porte de sortie « honorable » (sic) que d’accompagner la contestation populaire !
Cut the crap !
Par certains côtés, ce mouvement social est d’une ampleur sans précédent, plus profond même que ceux de décembre 95 ou mai 68. Et sans précédent sont aussi la morgue et le cynisme de ce gouvernement qui s’est engagé dans une véritable guerre sociale.
Un détail ne trompe pas, d’ailleurs : même les hiérarques aujourd’hui si frileux d’un ex-parti de gauche (Harlem Désir, Martine Aubry, Claude Bartolone, Benoît Hamon…) étaient de sortie ce jeudi.
Oh ! Ils n’ont trempé que le bout des pieds dans la marée sociale, bien sûr, mais ils avaient l’air heureux, comme de grands enfants qui s’éclaboussent sans oser se jeter vraiment dans les vagues. D’ailleurs, pas de danger qu’ils en fassent, eux, des vagues. Mais c’était gentil d’être venus. Si ces éléphants-là avaient eu de la mémoire, ils auraient même pu apporter des pelles et des seaux : la plage était sous leurs pieds, il suffisait de creuser.
Pis c’est bien écrit pis y a pas de fautes… Oh grand Kikif !
clap clap clap clap clap !
Ravie de lire enfin ta plume défoulée sur de la texture concrète !
Pense à ajouter rézo dans les liens.
Sinon, quand est-ce que t’envisages de venir faire une ptit tour par chez nous ? On a vu sam hier, on parlait de faire un truc un we de janvier, ça t’irait ?
bizz
Sans compter que…
Bon, admettons qu’un sondage soit un instantané fiable.
Bon, admettons qu’il s’agisse vraiment d’un recul, on va dire 66 points de perdu, pour essayer de se convaincre sans rire.
Encore faut-il tenter de lire « le message adressé par les français » (mouarf).
Ont-ils changé d’avis sur le fond de la réforme? Non, évidemment, les débiles profonds ne sont pas si nombreux. Ils ont éventuellement baissé les bras face au mépris du gouvernement.
Par quel tour de magie, l’avis d’un petit millier de personnes interrogées (tout au plus) aurait force d’indicateur politique alors que l’avis de 560000 personnes dans la rue (selon la milice), avec tous les efforts que ça suppose, serait balayé d’un revers de « la démocratie ne se fait pas dans la rue ». Étrange.
Il est évident que l’effet attendu, insinuer que la réforme a trouvé son public, relève de la prestidigitation.
Si on voulait bien croire que ces 6 petits points sont révélateurs de quelque chose, il faudrait les mettre sur le compte de la forme, pas du fond.
C’est un grand classique de la communication médiatico-politique. On se laisse insulter à coup de « besoin de pédagogie ».
La réforme des retraite a été votée dans le mépris de la plus élémentaire démocratie, contre le peuple.
Une intervention intéressante pour compléter ce billet se trouve sur le site passerellesud.org , où cette grande gueule de Balbastre démonte la mécanique médiatique en prenant comme cas, justement, les manifestations liées à la réforme des retraites. Ci-dessous le lien :
Gilles Balbastre : médias et mouvement social – conférence en ligne → écouter → http://ow.ly/40gB5